Le Conseil constitutionnel valide l’adoption à la majorité des clauses d’exclusion dans les sociétés par actions simplifiées
Conseil constitutionnel, 9 décembre 2022 – Décision n°2022-1029 QPC
Ce qu’il faut retenir :
Les dispositions des articles L. 227-16 et L. 227-19 du Code de commerce, laissant aux associés d’une société par actions simplifiée la liberté de fixer les modalités d’adoption ou de modification d’une clause d’exclusion dans les statuts de la société, sont conformes à la Constitution.
Pour approfondir :
Pour mémoire, jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi de simplification du droit des sociétés n°2019-744 en date du 19 juillet 2019 (dite « loi Soilihi »), toute clause d’exclusion d’un associé d’une société par actions simplifiée ne pouvait être adoptée ou modifiée qu’à l’unanimité des associés. En modifiant l’alinéa premier de l’article L. 227-19 du Code de commerce, la loi Soilihi a supprimé le régime particulier attaché jusqu’alors aux clauses d’exclusion et a ainsi permis leur adoption et modification par décision collective des associés prise dans les conditions et formes fixées par les statuts. L’unanimité, autrefois prévue par la loi, n’est ainsi plus requise.
L’abandon de cette exigence d’unanimité a suscité de vives contestations. En effet, d’aucuns y ont vu une atteinte disproportionnée au droit de propriété garanti par l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ayant valeur constitutionnelle. C’est ainsi qu’à l’occasion d’un litige porté devant la Chambre commerciale de la Cour de cassation, il a été soutenu que les dispositions contestées du Code de commerce méconnaissaient les droits et libertés garantis par la Constitution.
C’est dans ce contexte que le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité à ce sujet. Par une décision du 9 décembre 2022, le Conseil constitutionnel est venu déclarer les dispositions des articles L. 227-16 et L.227-19 du Code de commerce conformes à la Constitution en ce qu’elles ne portent pas d’atteinte disproportionnée au droit de propriété.
Après avoir constaté que la combinaison des articles L. 227-16 et L. 227-19 dans sa nouvelle rédaction permettait à une société par actions simplifiée d’adopter ou de modifier une clause d’exclusion sans recueillir l’unanimité des associés, le Conseil constitutionnel évoque expressément l’objectif d’intérêt général poursuivi par le législateur. Il est en effet aisé à comprendre que l’exigence d’unanimité pouvait créer des situations de blocage résultant de l’opposition de l’associé dont l’exclusion était pressentie. Or, l’esprit même de la clause d’exclusion et son efficacité nécessitaient qu’une telle clause puisse être adoptée ou modifiée selon des modalités souples.
Néanmoins, le Conseil constitutionnel a pris soin dans sa décision d’insister sur les garde-fous qui encadrent toute procédure d’exclusion. Il rappelle ainsi que, selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, la décision d’exclusion doit reposer sur un motif stipulé par les statuts et conforme à l’intérêt social et à l’ordre public, et ne peut être abusive. Il souligne également que l’exclusion de l’associé donne lieu au rachat de ses actions à un prix de cession fixé selon les modalités prévues par les statuts de la société, ou, à défaut, par un accord entre les parties, ou encore par un expert désigné dans les conditions prévues à l’article 1843-4 du Code civil.
Le Conseil constitutionnel rappelle enfin que, en tout état de cause, l’associé peut non seulement attaquer la décision d’exclusion devant le juge, lequel doit alors s’assurer de la réalité et de la gravité du motif retenu, mais qu’il peut également contester le prix de cession de ses actions.
Empreinte de pédagogie et de pragmatisme, cette décision du Conseil constitutionnel peut être saluée, dans la mesure où elle vient lever toute incertitude concernant la validité de l’assouplissement des modalités d’adoption et de modification des clauses d’exclusion dans les sociétés par actions simplifiées. Si la décision n’est pas surprenante alors que le droit français n’a jamais prohibé, par principe, les mécanismes pouvant conduire à l'exclusion d'un associé d'une société contre son gré, force est de constater que cette décision était attendue et vient clore une série de débats et de contestations préjudiciables à la sécurité juridique.
Soulignons enfin que, si l’insertion d’une clause statutaire d’exclusion ou sa modification ne requiert désormais plus l’unanimité en vertu de la loi, l’associé dont l’exclusion serait envisagée ne peut, selon une jurisprudence constante, en aucun cas être privé du droit de voter sur sa propre exclusion lorsqu'une telle décision relève de la compétence de la collectivité des associés.
À rapprocher :
- Article L. 227-16 du Code de commerce
- Article L. 227-19 du Code de commerce
- Cass. com., 12 octobre 2022, n° 22-40.013
- Article 1844 du Code civil
- Cass.com., 23 octobre 2007, n°06-16.537
Un article rédigé par Patrice Montchaud et Nadia Knouzi, du département Société, Finance, Cessions & Acquisitions