Validité du contrat de franchise : société en formation et fusion-absorption du franchiseur

Validité du contrat de franchise : société en formation et fusion-absorption du franchiseur

CA Rennes, 10 juin 2025, n°24/01837

Ce qu'il faut retenir :

Les avenants conclus postérieurement à l’immatriculation d’une société peuvent suffire à régulariser un contrat de franchise signé par une société en formation, sans les mentions « au nom » ou « pour le compte » de la société en formation, à condition de démontrer la volonté claire des parties de s’engager.

Une clause de substitution explicite permet de neutraliser les effets du caractère intuitu personae du contrat de franchise, rendant ainsi opposable au franchisé la transmission du contrat dans le cadre d’une restructuration du franchiseur.

Pour approfondir :

En 2007, un contrat de franchise est conclu entre deux sociétés alors que la société du franchisé est alors en cours de formation. Ce contrat est renouvelé en 2012 et prévoyait la concession de la marque du franchiseur au franchisé, lequel s’engageait à lui communiquer mensuellement le nombre de maisons vendues afin de permettre le calcul des redevances dues.

Par la suite, plusieurs avenants sont conclus entre les parties, dont un protocole d’accord à effet rétroactif visant notamment à modifier le montant des redevances.

En 2017, face au refus du franchisé de transmettre ses chiffres de ventes, le franchiseur l’assigne en référé pour obtenir ces données sous astreinte et le versement par provision des redevances impayées.

Le juge des référés rejette les demandes, considérant la contestation sérieuse, décision confirmée par la cour d’appel.

Entre-temps, la société franchiseur fait l’objet d’une fusion-absorption par transmission universelle de patrimoine.

En 2023, après l’annulation d’une première assignation, la société absorbante assigne le franchisé au fond et réclame la communication des chiffres de vente ainsi que l’indemnisation de son préjudice économique.

La société franchisée est condamnée mais elle et interjette appel en contestant la validité du contrat initial (signé par une société en formation) ainsi que la transmission du contrat lors de la fusion-absorption.

1.Société en formation : régularisation du contrat par avenants postérieurs

Le franchisé invoque la nullité du contrat de franchise initial, signé alors que sa société n’était pas encore immatriculée, au motif de l’absence de mention qu’il agissait « au nom » ou « pour le compte » de celle-ci.

Pour rappel, l’article L. 210-6 du Code de commerce prévoit que la société, une fois immatriculée, peut reprendre les engagements souscrits pour son compte. Ces engagements sont alors réputés avoir été contractés dès l’origine.

En l’espèce, la société franchisée, une fois immatriculée, a signé plusieurs avenants au contrat de franchise.

La Cour d’appel écarte donc la nullité soulevée par la société franchisée et considère que ces actes postérieurs témoignent de sa volonté de poursuivre les relations contractuelles, ce qui vaut implicitement reprise des engagements initiaux.

Si l’acte initial ne comporte pas les mentions « au nom » ou « pour le compte », la nullité n’est pas automatique. La jurisprudence récente permet aux juges d’apprécier la volonté commune des parties, y compris à travers des éléments extrinsèques à l’acte initial (Cass. com., 29 novembre 2023, n° 22-18295 et n° 22-21623 ; Com., 28 mai 2025, n° 24-13.435).

Toutefois, en l’absence de tout avenant ou comportement probant, la nullité pourrait encore être retenue. La prudence reste donc de rigueur pour sécuriser les engagements pris avant immatriculation.

2.Fusion-absorption du franchiseur : transmission autorisée par la clause de substitution

Le franchisé conteste la transmission du contrat de franchise à la société absorbante, invoquant le caractère intuitu personae du contrat de franchise, lequel impliquerait selon lui un accord préalable de sa part pour tout changement de cocontractant.

Pour rappel, une fusion-absorption emporte transmission universelle de patrimoine, y compris des contrats en cours. Cependant, dans un contrat intuitu personae, cette transmission suppose l’accord du cocontractant.

Dans le cas d’espèce, le contrat de franchise contenait une clause de substitution qui prévoyait qu’en cas de modification de la structure juridique du franchiseur, « la nouvelle entité se substituera à l’ancienne pour tous les droits et obligations » et que ces changements seraient « opposables de plein droit au franchisé ».

Par ailleurs, les juges relèvent que le franchiseur avait informé le franchisé de la fusion et que ce dernier avait poursuivi ses relations contractuelles sans objection. Ce comportement vaut, selon les juges, acceptation tacite de la transmission.

Ainsi, la clause de substitution prévue dans le contrat de franchise et le comportement du franchisé illustre sans équivoque la transmission d’un contrat intuitu personae.

En conclusion, l’arrêt de la cour d’appel de Rennes rappelle l’importance de l’anticipation contractuelle en prévoyant que la personne physique s’engage « au nom » ou « pour le compte » de la société franchisée lorsque celle-ci est en cours de formation ainsi que l’insertion d’une clause de substitution bien rédigée afin de sécuriser la continuité du contrat de franchise en cas de restructuration.

À rapprocher :

 

Un article rédigé par Anne QIN du département Distribution, Concurrence, Consommation