Une clause de non-réaffiliation réputée non-écrite en raison de sa disproportion
Cass. com., 17 janvier 2024, n°22-20.163
Ce qu’il faut retenir :
Selon la Cour de cassation, une clause de non-réaffiliation comprise dans une convention d’assistance doit être réputée non-écrite quant elle constitue une entrave disproportionnée à la liberté d’exercice des pharmaciens, cette limite n’étant pas justifiée par les intérêts légitimes du cocontractant, que la clause était censée protéger.
Pour approfondir :
L’arrêt rendu le 17 janvier 2024 par la chambre commerciale de la Cour de cassation s’est prononcé sur le sort d’une clause de non-réaffiliation comprise dans une convention d’assistance, conclue avec une société tête de réseau dont la mission est de fournir des services à un réseau de pharmacies, parapharmacies, magasins d’optique et de matériel médical.
Le 12 mars 2007, deux pharmaciens ont conclu une convention d’assistance avec une société tête de réseau afin d’adhérer au groupement de pharmacies indépendants sous enseigne.
Cette convention comprenait une clause de non-réaffiliation interdisant à ces pharmaciens de créer ou d’adhérer à un groupement ou à un réseau concurrent à celui duquel ils étaient membres en cas de rupture ou de non-renouvellement du contrat.
Le non-respect de ces interdictions était sanctionné par une pénalité forfaitaire de 150.000 euros.
Cette clause était valable pour une durée de 12 mois sur l’ensemble du territoire de la France métropolitaine et des DOM-TOM.
Les pharmaciens, invoquant des manquements contractuels de la société, ont rompu la convention d’assistance.
Le 20 février 2017, la société a assigné les pharmaciens afin de voir déclarer fautive la rupture de la convention et d’obtenir le paiement de l’indemnité de 150.000 euros, due en cas de non-respect de la clause de non-réaffiliation.
La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 13 avril 2022, a réputé non écrite la clause de non-réaffiliation de la convention d’assistance et a débouté la société de sa demande de condamnation des pharmaciens à ce titre.
C’est dans ce contexte qu’a été rendu l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 17 janvier 2024.
Interrogée sur la validité de la clause de non-réaffiliation comprise dans la convention d’assistance, la Cour de cassation a considéré que cette clause devait être réputée non écrite puisqu’elle constituait une entrave disproportionnée à la liberté d’exercice de l’activité commerciale des pharmaciens, non justifiée par les intérêts légitimes de la société que la clause était censée protéger.
Le caractère indispensable de cette clause à la protection des intérêts de la société n’était en l’espèce pas démontré. La clause visait en effet l’ensemble de la France métropolitaine ainsi que les DOM-TOM alors que l’exclusivité des savoir-faire de la société concédée aux pharmaciens avait pour limite le département d’Ille-et-Vilaine.
S’il est possible de prévoir contractuellement une clause de non-réaffiliation, il convient d’être particulièrement vigilant lors de sa rédaction afin que l’application d’une telle clause ne soit pas écartée.
En l’espèce, l’analyse de la validité de la clause de non-réaffiliation devait se faire au regard des conditions posées par la jurisprudence puisque la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, dite loi Macron, n’était pas applicable.
En effet, la jurisprudence a considéré, concernant l’application dans le temps de cette loi, que ses dispositions n’étaient pas applicables aux contrats en cours en l’absence de disposition expresse du législateur en ce sens (Cass. com., 30 août 2023 - n° 22-20.076)
Lorsque la loi Macron n’est pas applicable, l’analyse de la validité des clauses de non-réaffiliation se fait à l’aune des conditions posées par la jurisprudence.
Ces clauses doivent être justifiées par la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitées dans l’espace et dans le temps et être proportionnées aux intérêts légitimes du contractant au regard de l’objet du contrat.
Dans l’arrêt commenté, la clause de non-réaffiliation a été considérée comme étant disproportionnée à la liberté d’exercice de l’activité commerciale des pharmaciens, la clause visant l’entier territoire de la France métropolitaine et des DOM-TOM.
La Cour relève que le caractère indispensable de cette clause à la protection des intérêts de la société n’était pas démontré, l’exclusivité des savoir-faire de cette société concédée aux pharmaciens ayant pour limite le département de l’Ille-et-Vilaine.
Sanctionnant cette disproportion, la Cour a considéré que la clause n’était non pas nulle mais réputée non écrite, et était donc inopposable aux cocontractants.
A rapprocher : CA Paris, pôle 5 - ch. 4, 13 avr. 2022, n° 19/12534
Un article rédigé par Auriane Sepval, du département Concurrence, Distribution, Consommation