Clause attributive de juridiction soumise au règlement Bruxelles I bis

Clause attributive de juridiction soumise au règlement Bruxelles I bis

Cass Civ. 1re, 02 avr. 2025, F-B, n° 23-12.384

 

 

En bref : 

Le 02 avril 2025, la première chambre civile de la Cour de cassation a confirmé que les juridictions françaises étaient incompétentes pour statuer sur un litige opposant une entrepreneure française à la société Meta Platforms, en raison d’une clause attributive de juridiction au profit des juridictions irlandaises, incluse dans leur contrat, relative à l’usage professionnel d’un compte Instagram.

La Cour considère que la validité de cette clause ne peut être appréciée qu’au regard du droit de la juridiction désignée, en l’espèce du droit irlandais, tel que stipulé dans le contrat.

Les faits : 

Une entrepreneure française a ouvert en 2010, à titre professionnel, un compte Instagram accessible sur les réseaux depuis la plateforme de la Meta Platforms.

Les conditions générales d'utilisation (CGU) de ce compte comprennent une clause attributive de juridiction au profit des tribunaux irlandais en cas de litige se rapportant à l'accès ou l'utilisation du service à des fins professionnelles ou commerciales.

L’entrepreneure française, s’étant fait pirater son compte Instagram, a introduit une action en indemnisation contre la Meta Platforms devant les juridictions françaises.

Moyens : 

La demanderesse fait grief à l'arrêt de déclarer le tribunal judiciaire de Paris incompétent alors qu'en vertu de l'article 1171 du code civil, « dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite ».

Selon la demanderesse, le déséquilibre significatif, est une règle de droit interne constituant une loi de police au sens de l'article 9.1 du règlement Rome I (relatif à la loi applicable).

Dès lors, selon cette dernière, il appartenait au juge français d'apprécier la légalité de cette clause au regard de cette règle de droit interne (déséquilibre significatif) et d'apprécier en conséquence si la clause attributive de compétence n'introduit pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

Réponse de la Cour : 

Dans le prolongement de l’arrêt Monster Cable (Civ. 1re, 22 oct. 2008, n° 07-15.823), la Cour de cassation confirme, le 02 avril 2025, l’efficacité d’une clause attributive de juridiction.

La Cour écarte en premier lieu l’application du règlement Rome I aux clauses attributives de juridiction, puisqu’elles sont exclues de son champ d’application (article 1.2 e) de ce règlement).

En second lieu, la Cour refuse l’argument des lois de police, en ce que l’article 25 du règlement Bruxelles I bis ne prévoit pas la réserve des lois de police.

Pour mémoire, l’article 25 de ce règlement prévoit que : « Si les parties, sans considération de leur domicile, sont convenues d’une juridiction ou de juridictions d’un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé, ces juridictions sont compétentes, sauf si la validité de la convention attributive de juridiction est entachée de nullité quant au fond selon le droit de cet État membre. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties ».

Ainsi, une loi de police, fût-elle applicable au fond du litige, comme à la validité au fond de la clause attributive de juridiction, ne saurait faire échec à l’efficacité d’une clause désignant les juridictions d’un autre État membre.

Sa validité au fond doit ainsi s’apprécier exclusivement au regard du droit de la juridiction désignée.

Par conséquent, l’argument invoquant l’invalidité de la clause pour cause de déséquilibre significatif, au sens de l’article 1171 du code civil français, devait être écarté.

Une juridiction étatique ne peut donc pas invoquer une loi de police pour écarter une clause attributive de juridiction au profit d’une autre juridiction, qui serait valide au regard de l’article 25.1 précité (cf.ci-dessus) et dont la validité ne serait pas remise en cause par la loi de l’État de la juridiction désignée (en l’espèce la loi irlandaise).

A rapprocher :

 

Un article rédigé par Cristelle Albaric du département International