Référence impérative à l’indivisibilité de l’objet du litige dans la déclaration d’appel

Référence impérative à l’indivisibilité de l’objet du litige dans la déclaration d’appel

Cass. civ. 2ème, 09 juin 2022, n°20-16.239

 

Si la dévolution opère des seuls chefs expressément critiqués et détaillés dans la déclaration d’appel, il n’en est pas de même lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible. Dans ces cas, l’appelant peut s’abstenir de mentionner dans sa déclaration d’appel un ou plusieurs chefs de dispositifs du jugement, à la condition toutefois de s’en prévaloir expressément dans sa déclaration d’appel.

 

En l’espèce, dans le cadre d’un conflit de voisinage, un tribunal d’instance a condamné une femme à se séparer de deux coqs sous astreinte et à payer à ses voisins une certaine somme à titre de dommages-intérêts.

Cette dernière a interjeté appel du jugement.

La Cour d’appel de Dijon, par arrêt du 10 novembre 2020, a constaté que la déclaration d'appel de l’appelante mentionnait que l'appel était « limité aux chefs de jugement expressément critiqués », sans toutefois les détailler.

En l'absence de référence à l'indivisibilité de l'objet du litige dans sa déclaration d'appel, les juges du fond en ont donc déduit que l'effet dévolutif n'avait pas opéré.

 

L’appelante s’est donc pourvue en cassation. Elle faisait grief à l’arrêt d’avoir violé l’article 562, alinéa 2 du Code de procédure civile, ensemble l’article 901 4° du même code en affirmant que les chefs du jugement frappé d’appel n’étaient pas déférés à sa connaissance, alors que l’objet du litige était en l’espèce indivisible et que dans un tel cas, la dévolution s’opère pour le tout. Elle considérait en effet que les deux chefs du jugement l’ayant condamnée à se séparer de ses coqs sous astreinte et à verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, étaient nécessairement unis de manière indivisible par un lien de dépendance et de subordination.

La Cour de cassation rejette le pourvoi.

 

La Haute juridiction rappelle en effet que l’article 562 du Code de procédure civile dispose que l’appel ne dévolue à la cour d’appel que les chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent, cette dévolution n’étant intégrale que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible. L’article 901-4° du même Code (version antérieure au décret n° 2022-245 du 25 février 2022) ajoute que cette disposition est sanctionnée par la nullité de la déclaration d’appel.

Elle déduit de ces deux textes et plus particulièrement de l’article 562 du Code de procédure civile, que l’appelant souhaitant se prévaloir de l’indivisibilité de l’objet du litige doit impérativement s’y référer de façon expresse dans sa déclaration d’appel, quand bien même il ne serait pas tenu d’y mentionner un ou plusieurs chefs du jugement qu’il critique. Ainsi, la Cour d’appel qui a en l’espèce relevé que la déclaration d’appel se bornait à mentionner en objet que l’appel était « limité aux chefs de jugement expressément critiqués » sans toutefois les détailler, en avait exactement déduit que l’effet dévolutif n’avait pas opéré, la référence à l’indivisibilité de l’objet de litige manquant à la déclaration d’appel.

 

Cet arrêt est révélateur de la volonté de la Cour de cassation de renforcer le formalisme de la déclaration d’appel. En effet, il était acquis jusqu’à présent que l’objet du litige est indivisible lorsqu’il n’était pas possible d’attaquer certains chefs du jugement sans attaquer indirectement les autres. En pareille hypothèse, il était de jurisprudence constante de considérer que l’effet dévolutif opérait pour le tout (Cass., Civ. 2ème, 2 juillet 2020, n°19-16.954). C’était toutefois sans compter sur l’évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation qui n’a eu de cesse de renforcer le formalisme de la déclaration d’appel, atténuant par la même la portée de ce principe.

 

A rapprocher :

 

Un article rédigé par Delphine Blain, Julie Ricau et Sophie Barruet, du département Contrat, affaires complexes