Quelle sanction pour le dirigeant déloyal ?
Cass.com., 21 septembre 2022 – n°20-20.959
Ce qu’il faut retenir :
Si les dirigeants sont tenus à la réparation civile des dommages causés à la société, aux associés et aux tiers pour infraction aux dispositions législatives ou réglementaires applicables à la société ou encore pour violation des statuts, ils sont également tenus à la réparation intégrale des préjudices causés pour manquement à leur devoir de loyauté.
Pour approfondir :
L’arrêt du 21 septembre 2022 de la Chambre commerciale de la Cour de cassation vient rappeler l’obligation de loyauté du dirigeant à l’égard de la société et l’étendue de la sanction y attachée : la violation d’une telle obligation ouvre droit à réparation intégrale du préjudice causé.
En l’espèce, deux dirigeants d’une société avaient cédé les actions qu'ils détenaient dans le capital de ladite société, tout en conservant leurs mandats sociaux. Quelques mois plus tard, ils avaient constitué une société exerçant une activité concurrente.
Lorsque fut connue leur implication dans la société concurrente, il fut logiquement mis fin à leurs fonctions de dirigeants. Ces derniers assignèrent alors la société en paiement de rappels de rémunération et en dommages-intérêts, considérant leur révocation abusive et vexatoire.
Jugeant que les deux dirigeants avaient manqué au devoir de loyauté auquel ils étaient tenus en leur qualité de mandataires sociaux et qu’ils auraient dû informer la société de leur participation à la constitution d’une société concurrente, la Cour d’appel de Rennes a non seulement débouté les dirigeants de leurs demandes mais les a également condamnés au paiement de dommages et intérêts pour avoir commis des fautes de gestion de nature à engager leur responsabilité.
Pour autant, les condamnations à paiement demeuraient limitées à la réparation des seules fautes de gestion. C’est sur ce point que la Haute Juridiction censure la Cour d’appel, considérant que la société avait droit, comme elle le sollicitait, à réparation de l'entier préjudice causé par le manquement des deux dirigeants à leur devoir de loyauté. Il convenait ainsi de prendre également en compte la perte de marge et le gain manqué sur les opérations réalisées par la société nouvellement constituée par les mandataires sociaux en violation de leur obligation de non-concurrence et de leur devoir de loyauté.
Cet arrêt vient donc rappeler l’étendue de la réparation du préjudice subi par la société à la suite d’une faute commise par un ou plusieurs de ses dirigeants.
D’origine prétorienne, le devoir de loyauté qui incombe à tout dirigeant lui impose d'agir dans l'intérêt de la société, à l'exclusion de la poursuite d’un intérêt personnel concurrent voire antagoniste. Ce devoir de loyauté fait naître des obligations à la charge du dirigeant, dont la violation est sanctionnée par les tribunaux sur le fondement de la responsabilité civile sans préjudice de l’engagement de la responsabilité pénale lorsque la déloyauté est constitutive d’une infraction pénale.
Soulignons que ce devoir de loyauté trouve sa justification dans la confiance témoignée par les associés lors de la nomination du dirigeant, mais qu’il a pour pendant la loyauté dont les associés doivent faire preuve à l’égard du dirigeant dans le cadre de son éventuelle révocation.
À rapprocher :
- Article 1240 du Code civil
- Article 1833 du Code civil
- Article 1850 du Code civil
- Cass. com., 15 nov. 2011, n° 10-15.049
Un article rédigé par Patrice Montchaud et Nadia Knouzi, du département Société, Finance, Cessions & Acquisitions