Prescription de l'action en responsabilité : point de départ fixé à la décision irrévocable

Prescription de l'action en responsabilité : point de départ fixé à la décision irrévocable

Cour de cassation – troisième chambre civile, 6 novembre 2025 n°24-16.853

 

Ce qu'il faut retenir :

Le délai de prescription d’une action en responsabilité civile engagée en raison d’un préjudice né de la reconnaissance d’un droit contesté au profit d’un tiers ne court qu’à compter de la décision devenue irrévocable établissant ce droit.

Ainsi, la prescription ne commence pas à courir à la date de l’arrêt d’appel, mais au jour où cet arrêt devient définitif, c’est-à-dire après le rejet du pourvoi.

Pour approfondir :

En l’espèce, une association, chargée d’assister des exploitants agricoles, avait participé à la rédaction des statuts d’une société civile d’exploitation agricole et de conventions de mise à disposition de terres.

À la suite du décès de l’un des associés, ses ayants droit ont mis fin à ces conventions, et la société a vainement tenté d’obtenir la reconnaissance d’un bail rural verbal devant le Tribunal paritaire des baux ruraux.

Après le rejet de son pourvoi par la Cour de cassation le 8 avril 2014, la société a, par acte du 20 mars 2019, assigné l’association en responsabilité civile, lui reprochant d’avoir communiqué sans autorisation deux conventions, en violation de son devoir de conseil et du secret professionnel, entraînant pour elle une perte de chance d’obtenir la reconnaissance d’un bail rural.

L’association a opposé une fin de non-recevoir tirée de la prescription, estimant que le délai de prescription de son action avait commencé à courir dès l’arrêt d’appel du 12 décembre 2012.

La cour d’appel de Reims, faisant droit à l’argumentaire développé par l’association, a jugé l’action irrecevable.

La troisième chambre civile casse et annule l’arrêt d’appel.

Elle rappelle, sur le fondement de l’article 2224 du Code civil, que le délai de prescription quinquennale court à compter du jour où la victime a connu ou aurait dû connaître le dommage, le fait générateur et son auteur, ainsi que le lien de causalité.

Ainsi, lorsque le dommage découle d’une décision reconnaissant un droit contesté au profit d’un tiers, seule la décision devenue irrévocable met la victime en mesure d’exercer son action en responsabilité :

« […] lorsque l'action principale en responsabilité tend à l'indemnisation du préjudice subi par le demandeur, né de la reconnaissance d'un droit contesté au profit d'un tiers, seule la décision juridictionnelle devenue irrévocable établissant ce droit met l'intéressé en mesure d'exercer l'action en réparation du préjudice qui en résulte, de sorte que cette décision constitue le point de départ de la prescription »

C’est donc à la date du rejet du pourvoi – en l’espèce, le 8 avril 2014 – qu’a commencé à courir la prescription.

Par cette décision, la Cour de cassation confirme et précise la jurisprudence dégagée par la Chambre mixte le 19 juillet 2024, selon laquelle la prescription d’une action en responsabilité fondée sur la reconnaissance d’un droit contesté au profit d’un tiers ne peut courir avant que cette reconnaissance ne soit devenue définitive.

À rapprocher :

 

 

Un article rédigé par Marine BUIRETTE du département Contentieux et Arbirtage