Précisions sur les conditions de recevabilité d’une tierce opposition des associés d’une société civile

Précisions sur les conditions de recevabilité d’une tierce opposition des associés d’une société civile

Cass. civ. 2ème, 12 septembre 2024, n°22-12.337

 

Ce qu’il faut retenir :

La tierce opposition des associés d'une société civile à l’encontre une décision de justice la condamnant est recevable uniquement si ceux-ci démontrent que la décision a été rendue en fraude de leurs droits, ou s'ils invoquent des moyens qui leur sont propres. Ces derniers ne peuvent donc pas se limiter à évoquer des moyens non soutenus par la société condamnée.

 

Par cet arrêt, la Cour de cassation adopte une interprétation stricte des conditions posées par l’article 583 du Code de procédure civile, mettant ainsi fin à une incertitude jurisprudentielle.

 

Pour approfondir :

L’article 583 du Code de procédure civile prévoit que les créanciers et autres ayants cause d'une partie peuvent former tierce opposition à un jugement rendu en fraude de leurs droits ou s'ils invoquent des moyens qui leur sont propres.

 

En l'espèce, par un arrêt du 22 septembre 2017, la Cour d’appel de Paris a condamné une société civile à verser des dommages-intérêts à une autre société. Dans cette affaire, la société condamnée avait été déclarée irrecevable à conclure durant l’instance en appel.

 

La société créancière a ensuite assigné les associés de la société civile condamnée — deux SCI, lesquelles sont responsables de façon indéfinie des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital — afin d’obtenir le versement d’une provision sur indemnisation.

 

Les deux SCI, associées de la société condamnée, ont formé opposition à l'arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 22 septembre 2017. Par un arrêt du 16 avril 2021, la Cour d’appel a jugé recevable leur tierce opposition, considérant que les moyens invoqués n'avaient pas été soutenus par la société condamnée (qui, rappelons-le, avait été déclarée irrecevable à conclure).

La Cour de cassation a cassé et annulé cette décision, estimant que les juges du fond, lesquels n'avaient pas constaté que les SCI invoquaient des moyens qui leurs étaient propres, ont privé leur décision de base légale. En conséquence, la tierce opposition n'était pas recevable, car les moyens non soutenus par la société condamnée ne pouvaient pas justifier à eux seuls une telle opposition, en l'absence de fraude ou de moyens propres.

 

Par cette décision, la Cour de cassation se livre à une interprétation stricte de l'article 583 du Code de procédure civile. Elle rappelle que la tierce opposition, formée par les associés d'une société civile, est irrecevable à moins de démontrer que la décision attaquée a été rendue en fraude de leurs droits ou d’invoquer des moyens qui leur sont propres.

 

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation met ainsi, il faut l’espérer, fin à une divergence jurisprudentielle. En effet, en 2020 (mais déjà également en 2010), la troisième chambre civile avait retenu que la tierce opposition était recevable dès lors que l’opposant invoquait des moyens non soutenus par la société, sans exiger que ces moyens soient propres à l'opposant, ce qui traduisait une interprétation extensive des conditions posées par l’article 583.

 

Ainsi, les associés d'une société civile condamnée ne peuvent former tierce opposition à une décision judiciaire que s'ils invoquent des moyens qui leur sont propres et non simplement des moyens non soutenus par la société condamnée.

 

À rapprocher : Article 583 du Code de procédure civile ; Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 17 décembre 2020, 19-17.829