Précision sur le point de départ du délai de péremption après radiation pour défaut d’exécution

Précision sur le point de départ du délai de péremption après radiation pour défaut d’exécution

Cass, 2e civ, 23 mai 2024, n° 22-15.537

Ce qu’il faut retenir :

Conformément à l’article 386 du Code de procédure civile, « l’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans ». Néanmoins, se tenant à une application stricte de l’ancien article 526 du Code de procédure civile (art. 524 nouveau), la Cour de cassation fixe un autre point de départ du délai de péremption lorsque le défaut de diligence constaté est l’exécution d’une décision frappée d’appel. En effet, par le présent arrêt, la Haute Cour soutient que constitue le point de départ du délai de péremption de l’instance : « la date de notification de l'ordonnance de radiation » faite par le conseiller de la mise en état aux parties.

 

Pour approfondir :

En l’espèce, le 17 avril 2018, appel a été interjeté d’un jugement rendu par le Tribunal judiciaire dans une affaire opposant deux sociétés. L’une d’elles a été condamnée à paiement et cette décision était assortie de l’exécution provisoire.

 

En date du 17 juillet 2018, est accomplie la dernière diligence des parties de nature à faire progresser l'instance.

 

Par ordonnance du 13 février 2019, le conseiller de la mise en état, a radié l'affaire du rôle pour défaut d'exécution de la décision, sans que la date de la notification de l’ordonnance de radiation ne soit connue.

 

Par la suite, le 19 mai 2021, la société intimée a déposé des conclusions aux fins de voir constater la péremption d’instance.

 

Par une ordonnance en date du 13 octobre 2021, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de réinscription de la procédure aux fins de constatation de la péremption de l'instance formulée par la société.

 

Le 24 mars 2022, la cour d’Appel d’Amiens a prononcé la péremption de l’instance.

 

C’est dans ce cadre qu’un pourvoi en cassation a été formé.

 

Par le présent arrêt, la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel pour manque de base légale affirmant que celle-ci était tenue de rechercher la date de notification de l’ordonnance de radiation aux parties. En effet, la Cour d’appel ne pouvait pas se contenter de faire courir le délai de péremption à compter de la date d’accomplissement de la dernière diligence des parties.

 

Au visa de l’article 526 ancien du Code de Procédure civile, (article 524 nouveau dudit Code), la Haute juridiction affirme que le point de départ du délai de péremption de l’instance est constitué par « la date de notification de l'ordonnance de radiation » et non pas « la date d’accomplissement de la dernière diligence des parties de nature à faire progresser l’instance » comme l’article 386 du Code de Procédure Civile le suggèrerait.

 

Cette décision constitue de ce fait une exception nouvelle au droit commun de la péremption d’instance, dans le cas où le défaut de diligence constaté est l’exécution d’une décision d’appel.

 

Il s’agit d’un revirement dans la jurisprudence de la Haute Cour qui écarte une lecture extensive de l’article 386 du Code de Procédure Civile. Elle y préfère une application pure et simple de l’article 526 ancien / 524 nouveau du Code de Procédure Civile.

 

Dans des circonstances similaires, la Cour de cassation avait en effet soutenu que le point de départ du délai de péremption était constitué par les dernières conclusions de l'appelant, interruptives d’instance, et non pas par le jour où l'ordonnance de retrait du rôle lui a été notifiée par le conseiller de la mise en état (Cass. Civ. 2ème, 21 février 2013, n° 11-28.632)

 

En cas de défaut d’exécution d’une décision d’appel, les parties au procès devront donc désormais porter une attention particulière à la date de la notification de l’ordonnance de retrait du rôle.

 

Il convient cependant de nuancer la portée de cette décision. Les règles communes de procédure civile ne sont pas balayées par celle-ci dans la mesure où le point de départ du délai de péremption d’instance reste communément l’accomplissement de la dernière diligence de nature à faire progresser l’instance (Cass. Civ 2ème, 1 février 2018, 16-17.618).

 

À rapprocher : Articles 386, 526 du Code de Procédure civile (/ article 524 nouveau du Code de Procédure Civile); Cass. Civ. 2ème, 21 février 2013, n° 11-28.632 ; Cass. Civ 2ème, 1 février 2018, 16-17.618

 

Un article rédigé par Marianne Domingues et Quentin Pierlot du département Contrats, affaires complexes