Précision sur la compétence de la cour d’appel et du conseiller de la mise en état
Cass, 2e civ, 7 mars 2024, n° 22-10.337
Ce qu’il faut retenir :
Par un arrêt du 7 mars 2024, la Cour de cassation rappelle d’une part, de manière bienvenue que la cour d’appel statuant sur déféré ne peut connaître de prétentions qui n’ont pas été soumises au conseiller de la mise en état (CME) et d’autre part, elle vient restreindre les pouvoirs exclusifs du CME en matière de moyens de défense en affirmant que seule la cour d’appel saisie au fond est compétente pour connaître des fins de non-recevoir tirées des articles 960 et 961 du Code de procédure civile.
Pour approfondir :
En l’espèce, des détenteurs de parts sociales, ont agi en paiement de dividendes et de dommages et intérêts à l’encontre de diverses sociétés civiles immobilières (SCI).
En première instance, lesdites SCI ont été condamnées à verser diverses sommes aux demandeurs.
Ainsi, le 3 avril 2019, appel a été interjeté.
Par une ordonnance en date du 7 décembre 2020, le CME a prononcé la nullité d’une déclaration d’appel d’une SCI, et rejeté l’irrecevabilité de l’appel des autres sociétés.
C’est dans ce cadre qu’un pourvoi en cassation a été formé à l’encontre d’une décision de la cour d’appel statuant sur déféré.
Par le présent arrêt, la Cour de cassation casse et annule partiellement l’arrêt de la cour d’appel en ce qu’il infirme l’ordonnance du CME.
La Haute cour apporte ainsi deux enseignements :
- Sur l’interdiction des nouvelles prétentions devant la cour d’appel statuant en déféré
En l’espèce, devant le CME, se posait la question de la nullité et de l’irrecevabilité de l’appel des SCI.
Devant la cour d’appel statuant sur déféré, la discussion portait quant à elle sur la recevabilité des conclusions et, par voie de conséquence, sur la caducité de la déclaration d’appel en résultant.
Ainsi, dans la mesure où la caducité de la déclaration d’appel n’avait pas été soulevée devant le CME, l’arrêt sur déféré ne pouvait accueillir ladite caducité.
La Haute cour rappelle ainsi de manière pédagogue que, dès lors que la cour d’appel se prononce sur une ordonnance d’un conseiller de la mise en état qui lui est déféré, elle ne peut connaître de prétentions qui n’ont pas été soumises à ce dernier.
En effet, conformément aux articles 914 et 916 du Code de procédure civile, le CME est seul compétent pour connaître de la caducité de la déclaration d’appel depuis sa désignation et jusqu’à la clôture de l’instruction.
- Sur la compétence résultant de la fin de non-recevoir tirée de l’article 960 du Code de procédure civile
En l’espèce, la fin de non-recevoir résultait du non-respect par la partie, de l’obligation d’indiquer l’organe représentatif de la personne morale édictée à l’article 960 du Code de procédure civile.
S’agissant d’une fin de non-recevoir relative à la procédure d’appel, c’est naturellement le CME qui avait été saisi de cette irrecevabilité.
Pour rappel l’article 907 du Code de procédure civile opère un renvoi à l’article 789 dudit code prévoyant que le CME dispose des mêmes prérogatives que le juge de la mise en état. Il dispose ainsi d’un pouvoir exclusif pour se prononcer sur les fins de non-recevoir.
Néanmoins, au fil de sa jurisprudence, la Cour de cassation est venue fixer des exceptions à ce pouvoir exclusif notamment en affirmant que le CME a une compétence exclusive en matière de fin de non-recevoir uniquement lorsqu’elles sont afférentes à la procédure d’appel rendant ainsi la cour d’appel compétente dès lors que les fins de non-recevoir sont relatives à la première instance (Cass. civ. 2ème, avis, 3 juin 2021 n°21-70.006).
Avec cette décision, la Cour de cassation vient ajouter une nouvelle exception : la fin de non-recevoir prévue à l’article 960 du Code de procédure civile relève de la seule compétence de la cour d’appel saisie au fond.
En effet, il est possible de régulariser le défaut d’indication des mentions prévues à l’article 960 du Code de procédure civile jusqu’à la clôture.
Ainsi, cette possible régularisation aurait disparu si le CME pouvait prononcer l’irrecevabilité des conclusions, car les parties auraient été privées de leur possibilité d’en déposer de nouvelles.
La position adoptée par la Cour de cassation dans le présent arrêt ne peut ainsi qu’être saluée, puisqu’elle a le mérite d’apporter une véritable souplesse procédurale et est conforme aux principes du droit de la défense.
À rapprocher : Articles 798, 914, 907, 916 et 960 du Code de procédure civile ; et Cass. civ. 2ème, avis, 3 juin 2021 n°21-70.006
Un article rédigé par Marianne Domingues du département Contrats, affaires complexes