PPE 3 : La nécessaire réévaluation des soutiens publics aux énergies intermittentes
Ce qu'il faut retenir :
Au cours de l’été, le décret dit PPE 3 (programmation pluriannuelle de l’énergie) a failli être publié, alors même que le Gouvernement s’était engagé devant la représentation nationale à ce qu’il ne le soit pas avant que le Parlement n’ait terminé l’examen de la proposition de loi Grémillet, actuellement soumise au Sénat.
Les secousses politiques de l’automne rendent le calendrier imprévisible. Mais on peut rappeler, à toutes fins utiles, le contexte énergétique du moment (I) et prendre la mesure des enjeux de ce dossier en termes de finances publiques (II).
Pour approfondir :
I. Le réseau électrique français est durablement déséquilibré du fait de la montée très rapide des productions intermittentes, face à une demande qui stagne, voire régresse.
C’est ainsi que :
- Jamais le niveau du surplus quotidien de production d’électricité n’a été aussi élevé ; ce qui provoque, presque chaque jour, une chute des prix spot à zéro, voire à des valeurs négatives lorsque le vent et le soleil activent les productions éolienne et photovoltaïque ;
- Jamais le coût budgétaire des dédommagements à payer aux producteurs de ces énergies n’a été aussi élevé, que ce soit à raison des prix minima que l’Etat leur a garantis ou au titre du dédommagement des arrêts de production que RTE doit leur imposer pour éviter un black-out ;
- Jamais EDF n’a été autant forcé de ralentir la production nucléaire pour absorber le trop d’électricité éolienne ou solaire, ce qui augmente le prix de revient du nucléaire, et pèse sur le cash-flow et l’endettement d’EDF ;
- Jamais la puissance installée en production éolienne ou solaire n’a été aussi élevée en France ni en croissance aussi rapide : elle représente aujourd’hui une puissance équivalente à 45 des 57 réacteurs nucléaires français (chiffres du ministère de l’énergie) ;
- Jamais la puissance éolienne ou solaire autorisée ou en construction, ou construite mais en attente de raccordement n’a été aussi élevée : elle représente une puissance équivalente à 40 réacteurs nucléaires ;
- Jamais le nombre de dossiers pour de nouveaux projets éoliens ou solaires déposés et en cours d’instruction n’a été aussi élevé : ils représentent une puissance équivalente à 20 réacteurs nucléaires, avant tout nouvel appel d’offres.
Pour toutes ces raisons, la sagesse commanderait de suspendre toute nouvelle aide ou garantie de prix à tout nouveau projet photovoltaïque ou éolien non encore autorisé, au moins jusqu’à la parution, à l’automne 2026, de l’étude confiée à RTE qui actualisera les données prévisionnelles de la demande d’électricité à 30 ans et comparera les mérites des différents choix de mix énergétiques de nature à y répondre.
II. En termes de finances publiques, les enjeux revêtent une particulière gravité.
Toute nouvelle garantie publique reviendrait à ajouter à la dette de l’Etat une dette financière publique à rembourser sur 20 ans, couvrant les investissements, la maintenance et les profits des opérateurs, étant observé que la valeur économique de l’électricité ainsi produite a de grandes chances d’être négative, tant il est vrai que la résorption de la surproduction actuelle nécessitera plus qu’une dizaine d’années et que la sécurité du réseau ne peut procéder d’une électricité intermittente.
Pour le dire autrement, l’endettement public résultant de la créance sur l’Etat ainsi donnée aux producteurs d’électricité intermittente se répercuterait inévitablement sur le coût de l’électricité, et sur les contribuables. Il compromettrait en outre le nécessaire effort financier à déployer pour inciter les agents économiques, dans l’industrie, les transports et le tertiaire, à renoncer aux énergies fossiles et à électrifier leurs installations. Au lieu de favoriser la transition énergétique, il l’entraverait.
Enfin, il y a lieu de relever que le gaspillage des ressources publiques dans les énergies intermittentes provoque une hausse du prix de l’électricité qui se traduit par une perte de compétitivité et des destructions d’emplois. Ce constat a conduit nombre de pays voisins, dont l’Allemagne, à réduire les aides publiques aux industriels de l’éolien et du solaire, dès lors qu’ils disposent de sources pilotables décarbonées comme le nucléaire ou l’hydroélectricité ou que la proportion d’énergies intermittentes atteint le seuil critique du black-out, au-delà duquel le réseau électrique doit être sécurisé par la construction de centrales pilotables, à gaz ou à charbon…
Selon les chiffres de la CRE, la suspension des aides en cause se traduirait, pour l’année budgétaire 2026, par une réduction du déficit de 7,5 milliards d’euros.
Un article extrait de La Lettre des Affaires Publiques - Octobre 2025