L’introduction de deux nouveaux modes de résolution amiable des litiges devant le tribunal judiciaire : l’audience de règlement amiable et la césure du procès
Décret n°2023-686 du 29 juillet 2023
Ce qu’il faut retenir :
Le Décret n°2023-686 en date du 29 juillet 2023 portant mesures favorisant le règlement amiable des litiges devant le tribunal judiciaire introduit deux nouveaux modes de résolution amiable des litiges pouvant être utilisés par les parties et par le juge : l’audience de règlement amiable et la césure du procès. Ces dispositions seront applicables aux instances introduites à compter du 1er novembre 2023.
Pour approfondir :
Ledit décret introduit en effet dans le Code de procédure civile deux mécanismes facultatifs afin de favoriser le règlement amiable des différends à la suite de la saisine du tribunal judiciaire et, par voie de conséquence, de tenter de désengorger ce dernier. Il s’agit de l’audience de règlement amiable d’une part et de la césure du procès d’autre part.
- L’audience de règlement amiable
La première de ces nouveautés permet aux parties de soumettre leur litige à « une audience de règlement amiable ». Cette audience peut se tenir à la demande des parties mais également sur décision prise d’office par le juge initialement désigné après avoir recueilli leur avis et, ce à toute hauteur de la procédure.
Le nouvel article précise toutefois que cette possibilité est restreinte aux seuls « litiges portant sur des droits dont les parties ont la libre disposition » (CPC, art. 774-1).
L’audience de règlement amiable, décidée par le juge initialement saisi, se tiendra alors devant un « juge qui ne siège pas dans la formation de jugement » (CPC, art. 774-1). Cette nouveauté se distingue ainsi des autres modes de résolution amiable. En effet, habituellement, le règlement amiable des différends se déroule en présence d’un tiers qui n’est pas juge, pouvant parfois générer un sentiment de dépossession du droit d’accès à ce dernier chez le justiciable. En outre, le recours à un juge extérieur à la formation de jugement permettra de renforcer l’impartialité du magistrat sur le dossier.
Cette audience de règlement amiable a ainsi pour finalité la résolution amiable du différend entre les parties, « par la confrontation équilibrée de leurs points de vue, l'évaluation de leurs besoins, positions et intérêts respectifs, ainsi que la compréhension des principes juridiques applicables au litige » (CPC, art. 774-2).
La lecture du Décret nous apprend que la tenue d’une audience de règlement amiable peut être décidée :
- par le juge de la mise en état (CPC, art. 774-1 et 785) ; étant précisé que cela peut être le cas y compris postérieurement à l’ordonnance de clôture, l’article 803 du Code de procédure civile étant désormais complété comme suit : « L'ordonnance de clôture peut également être révoquée, après recueil de l'avis des parties, afin de permettre au juge de la mise en état, conformément à l'article 785, de décider de la convocation des parties à une audience de règlement amiable selon les modalités prévues aux articles 774-1 à 774-4. ».
- par le président chargé de l’audience d’orientation (CPC, art. 776) ;
- mais également en référé puisque cette décision peut également être prise par le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection saisi en référé (CPC, art. 836-2).
La décision du juge initialement saisi de convoquer les parties à une telle audience constitue une mesure d’administration judiciaire, soit insusceptible de recours (CPC, art. 537) et ne dessaisit pas ce dernier (CPC, art. 774-1).
Le rôle du juge chargé de l’audience de règlement amiable est précisé par l’article 774-2 du Code de procédure civile. Ce dernier pourra en effet :
- prendre connaissance des conclusions et des pièces échangées par les parties ;
- plus largement procéder aux constatations, évaluations, appréciations ou reconstitutions qu'il estime nécessaires, y compris en se transportant si besoin sur les lieux ;
- décider d’entendre les parties séparément ;
- et pourra plus généralement déterminer les conditions dans lesquelles l'audience de règlement amiable se tient.
Le déroulé de cette audience de règlement amiable est quant à lui précisé par l’article 774-3 du même code :
- Les parties seront convoquées à cette audience de règlement amiable par les soins du Greffe et ce, par tous moyens.
- Les parties devront comparaître en personne à ladite audience étant précisé que (i) lorsqu'elles ne sont pas dispensées de représentation obligatoire, les parties comparaîtront assistées de leur avocat et (ii) lorsqu’elles le seront, elles pourront être assistées par les personnes visées à l’article 762.
- L’audience de règlement amiable se tiendra par ailleurs en chambre du conseil et hors la présence du Greffe, selon les modalités fixées par le juge chargé de l’audience de règlement amiable.
- En outre, le principe est celui de la confidentialité puisqu’il est expressément indiqué que : « Sauf accord contraire des parties, tout ce qui est dit, écrit ou fait au cours de l'audience de règlement amiable, par le juge et par les parties, est confidentiel. » Deux exceptions sont toutefois prévues à ce principe de confidentialité (CPC, art. 774-3) :
- « a) En présence de raisons impérieuses d'ordre public ou de motifs liés à la protection de l'intérêt supérieur de l'enfant ou à l'intégrité physique ou psychologique de la personne »
- ou « b) Lorsque la révélation de l'existence ou la divulgation du contenu de l'accord qui en est issu est nécessaire pour sa mise en œuvre ou son exécution. »
- Par ailleurs, le juge chargé de l’audience de règlement amiable pourra, à tout moment, mettre fin à celle-ci. Cette décision constituera alors et de nouveau une mesure d'administration judiciaire (CPC, art. 774-3), par définition insusceptible de recours (CPC, art. 537).
- Une précision importante est également effectuée par le Décret puisqu’il y est précisé que la décision de convocation des parties à une audience de règlement amiable constitue une cause d’interruption de l’instance ainsi que du délai de péremption (CPC, art. 369). Un nouveau délai de péremption commencera donc à courir à compter de la première audience fixée postérieurement devant le juge saisi de l’affaire (CPC, art. 392).
Le Code de procédure civile précise enfin l’issue de l’audience de règlement amiable (CPC, art. 774-4).
- En cas d’accord :
- Les parties pourront, à l’issue de cette audience, demander au juge en charge de celle-ci, assisté du greffier, de constater leur accord, total ou partiel, ce dans les conditions de l'article 130 et du 1er alinéa de l'article 131. En d’autres termes, la teneur de leur accord, même partiel, devra être consigné dans un procès-verbal d’accord.
- Le second alinéa de l’article 131 n’étant pas visé, l’homologation de cet accord ne semble toutefois pas s’appliquer.
- Le juge chargé de l’audience de règlement informera alors le juge saisi du litige qu’il est mis un terme à cette audience et lui transmettra, le cas échéant, le procès-verbal d'accord correspondant.
- Bien que ce cas ne soit pas prévu par le Décret, nous comprenons qu’en cas d’échec de la mesure ou d’absence de signature d’un procès-verbal d’accord, les parties seront renvoyées devant le juge initialement saisi et la procédure se poursuivra alors comme classiquement.
- La césure du procès
Le Décret n°2023-686 instaure également un second processus de règlement amiable dénommé « césure du procès ». Ce dernier offre la possibilité pour le tribunal judiciaire, dans le cadre de la procédure écrite ordinaire, de ne trancher, dans un premier temps, que certaines des prétentions dont elle est saisie par un jugement dénommé « jugement partiel » (CPC, art. 807-1).
La césure du procès nécessite un accord des parties. En effet, les parties constituées doivent pour ce faire demander au juge de la mise en état, par l’intermédiaire d’un acte de procédure contresigné par avocat, de prononcer la clôture partielle de l’instruction et ce, afin qu’il soit statué au fond sur les prétentions qu’elles auront déterminées dans ledit acte et à l’égard desquelles elles sollicitent un jugement partiel (CPC, art. 807-1).
S’il est fait droit à cette demande :
- Le juge de la mise en état prononcera, par une ordonnance non motivée et insusceptible de recours (CPC, art. 798 sur renvoi de l’art. 807-1), la clôture partielle de l’instruction et renverra l’affaire devant la formation de jugement pour qu’elle statue au fond sur les seules prétentions qui font l’objet de la césure (c’est-à-dire telles que déterminées par les parties). L’acte contresigné par avocats devra alors être annexé à l’ordonnance du juge de la mise en état (CPC, art. 807-1).
- Un objectif de célérité est clairement affiché puisqu’il est précisé que « la date de la clôture partielle doit être aussi proche que possible de celle fixée pour les plaidoiries». (CPC, art. 807-1).
- La formation de jugement statuera ainsi, par un jugement partiel, sur les seules prétentions faisant l’objet de la césure ; étant précisé qu’il pourra être assorti de l’exécution provisoire dans les conditions prévues aux articles 515 et suivants du Code de procédure civile.
- Le jugement partiel sera susceptible d’un appel immédiat (CPC, art. 544) selon la procédure spécifique d’appel de l’article 905 du Code de procédure civile, dite procédure d’appel à bref délai (CPC, art. 905, al. 6).
- La mise en état se poursuivra alors à l’égard des autres prétentions n’ayant pas fait l’objet de la césure. A ce sujet, il est en effet précisé que : « la clôture de l'instruction prévue au 1er alinéa de l'article 799 ne peut intervenir avant l'expiration du délai d'appel à l'encontre du jugement partiel ou, lorsqu'un appel a été interjeté, avant le prononcé de la décision statuant sur ce recours» (CPC, art. 807-3).
Ces dispositions - portant création des deux nouveaux modes de résolution amiable que sont l’audience de règlement amiable et la césure du procès - seront applicables aux instances introduites à compter du 1er novembre 2023.
A rapprocher :
Un article rédigé par Julie Ricau du département Contrats, affaires complexes