L’expression « code is law » est-elle à redouter dans le métavers ?
En bref :
En janvier 2000, un article écrit par Lawrence Lessig paru dans le Harvard Magazine « Code is law ».
Code is law, c’est une expression qui renvoie au pouvoir du code. C’est le développeur, grâce au code, qui créée les règles du jeu. Le développeur est donc le régulateur du numérique : il définit la manière dont nous vivons dans un cyberespace, limite nos actions et leur portée. En tant que régulation, ce code est susceptible de porter atteintes à des libertés.
Comment alors s’en protéger ? Dans le code du développeur, il n’y a pas de règles harmonisées comme dans nos codes de loi (un code civil, un code de commerce par exemple).
Cette expression était justifiée dans les années 2000, elle l’est encore en 2022 avec le métavers.
Le métavers peut être défini comme « l’existence de mondes virtuels, en 3D, en temps réel, immersifs, persistants et partagés »[i].
Dans le métavers, chaque univers a ses propres codes, ses propres développeurs et donc ses propres règles. L’absence de cercle commun de règles de droit adaptées pourtant nécessaires est criarde.
Cela ne requiert pas de réinventer le droit : nombreux sont les concepts pouvant être transcrits dans le métavers. Cela nécessite simplement de se fixer sur les implications actuelles de l’état du droit sur ces univers métavers. En l’absence de précision sur le sujet nous restons dans le flou et restons démunis face aux dérives qui nous attendent.
A rapprocher :
Nous ne pouvons qu’opérer un parallèle avec la domination des GAFAM. Prévisible mais non empêchée, elle a bien des leçons à nous apporter. L’avance des développeurs sur le droit est à l’origine de cette situation. Le droit, dans un tel contexte, se doit d’être réactif.
Nous ne sommes pas dans une situation très différente qu’au début des GAFAM. Les créateurs de métavers, maître du code et de leur univers, auront toujours une longueur d’avance sur le droit :
- - Ils ne réagiront que si une règlementation spécifique voit le jour ;
- - Ils ne réagiront que si des décisions sont émises à leur encontre (et, bien souvent, les règlements ont lieu à l’amiable ce qui laisse planer un flou juridique quant à la position des juges).
À son paroxysme, cela peut mener à une insécurité juridique extrême : si “code is law”, chaque univers dans le métavers aurait son propre code et donc sa propre loi. Comme à l’époque du Far West si nous osons émettre cette comparaison : chaque village a son chérif, chaque métavers a ses règles. Vous devez impérativement, à minima, lire les conditions générales d’utilisation de la plateforme. Une entreprise qui veut être présente dans plusieurs métavers devra donc en théorie connaître les règles de son métavers dans les détails et s’y conformer avec le risque que ces règles, issues du code, ne soient pas toujours conformes à la loi. C’est comme si une entreprise était présente dans plusieurs pays avec chacun son droit, finalement ce qui rend les choses très complexes.
Un autre enjeu est mis en lumière par le rapport « Mission exploratoire sur les métavers » remis au Gouvernement : la nécessité de bénéficier d’outils et de méthodes d’analyses français pour éviter le risque de souveraineté et de dépendance technologiques et économiques. Ce, à diverses fins tels que détecter des infractions.
A rapprocher :
- - [i] D’après le rapport « Mission exploratoire sur les métavers » de Adrien Basdevant, Camille François et Rémi Ronfard.
- - "Code is Law" par Lawrence Lessig paru dans le Harvard Magazine
Un article rédigé par Fabrice Degroote et Valentine Quiniou du département Droit du numérique & Immatériel