Le droit de se taire : un principe constitutionnel à portée variable selon la nature de la procédure
Conseil constitutionnel, décision QPC n° 2025-1128 du 21 mars 2025
Conseil constitutionnel, décision QPC n° 2025-1154 du 8 août 2025
Ce qu'il faut retenir :
Le champ de sa jurisprudence sur le droit de se taire ne cesse, apparemment, de s’étendre. C’est ainsi que, par une décision QPC du 8 août 2025, le Conseil constitutionnel vient de censurer les dispositions de l’article 22 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés en ce qu’elle ne prévoient pas que la personne mise en cause devant la formation retreinte de la CNIL est informée de son droit de se taire lorsqu’elle est amenée à présenter des observations, alors même que ces dernières peuvent être utilisées à son encontre dans la cadre de cette procédure.
Pour approfondir :
Etaient en cause dans le litige à propos duquel le Conseil d’Etat avait renvoyé la QPC au Conseil constitutionnel les dispositions du premier alinéa de l’article L. 621-12 du code monétaire et financier dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2019-964 du 18 septembre 2019. Ces dispositions ont trait aux pouvoirs de contrôle et d’enquête de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) et, en particulier, des visites domiciliaires auxquelles les enquêteurs de l’AMF peuvent procéder sur autorisation du juge des libertés. L’association des avocats pénalistes faisait reproche à ces dispositions de ne pas prévoir que la personne sollicitée pour donner des explications aux enquêteurs de l’AMF lors d’une visite domiciliaire est informée de son droit de se taire, alors même que cette dernière peut être mise en cause par la suite dans une procédure devant l’AMF ou devant le juge pénal et que ses déclarations sont susceptibles d’être portées à leur connaissance.
Pour le dire autrement, c’est la première fois que le juge constitutionnel était amené à statuer sur l’exigence d’une information du droit de se taire non pas dans le cadre d’une procédure pénale ou disciplinaire, mais dans celui d’une enquête administrative diligentée par les services habilités d’une autorité publique indépendante chargée d’une mission de régulation.
Pour apprécier si le respect des exigences résultant de l’article 9 de la Déclaration de 1789 imposait en l’espèce qu’une information du droit de se taire soit faite à la personne sollicitée dont les explications sont recueillies, le Conseil constitutionnel a recherché si cette personne pouvait être regardée comme effectivement mise en cause dans le cadre de la procédure conduite par l’AMF. Or il a constaté que ni la lettre des dispositions législatives en cause ni la jurisprudence de la Cour de cassation ne subordonnent l’exercice du droit de visite à la caractérisation d’un soupçon contre les personnes dont les explications pourraient être recueillies à l’occasion de cette mesure. Il en a donc déduit que les dispositions en litige n’impliquent pas que la personne en cause se voie notifier son droit de se taire. Ce faisant, le Conseil n’a fait que rappeler que le droit de visite s’effectue sous le contrôle, d’une part, du JLD, sous l’autorité duquel s’effectue la visite et, d’autre part, du juge administratif, compétent pour juger de la régularité des opérations de visite domiciliaire.
Un article extrait de La Lettre des Affaires Publiques - Octobre 2025