Le Conseil d'Etat réaffirme la connexion fiscalo-comptable

Le Conseil d'Etat réaffirme la connexion fiscalo-comptable

 

Ce qu'il faut retenir : 

Dans trois décisions récentes, le Conseil d’Etat a réaffirmé la connexion fiscalo-comptable. La première décision a été rendue au sujet d’une indemnité versée dans le cadre d'un accord de restructuration interne prévoyant qu’une société intégrerait dans son activité existante d'achat et de revente de pièces détachées la fonction d'approvisionnement de ces pièces, auparavant exercée par son fournisseur italien, dont elle était sur ce secteur l'unique client (CE, 8e et 3e ch., 26 sept. 2025, n°494985, Sidel Blowing et Services). La deuxième décision a concerné des décotes sur des prêts restructurés qu’une caisse régionale de crédit agricole avait inscrites en comptabilité sans en tirer de conséquence fiscale (CE, 9e et 10e ch., 8 oct. 2025, n°491817, Crédit Agricole). Et la troisième décision a porté sur la possibilité de prendre en compte la valeur comptable de titres et non la valeur réelle des actifs pour appréhender la qualification de société à prépondérance immobilière lorsque sont en cause des provisions pour dépréciation de titres de participation (CE, 9e et 10e ch., 8 oct. 2025, n°493896, LG Services).

Pour approfondir : 

Dans la décision du 26 septembre 2025 rendue au profit de la société Sidel Blowing et Services, le Conseil d’Etat a jugé qu’au regard des définitions des actifs et des immobilisations incorporelles données par les articles 211-1 et 211-5 du plan comptable général auxquels renvoie l’article 38 du Code général des impôts, le seul constat qu'une somme compense, pour la partie qui la reçoit, la disparition d'une source pérenne de profits ne saurait suffire à caractériser, du point de vue de la partie versante, l'acquisition d'un nouvel élément d'actif.

Il en a déduit que la seule circonstance qu'une société escompte, dans le cadre d'une réorganisation des fonctions au sein d'un groupe, améliorer la profitabilité de son activité en s'approvisionnant directement auprès de fournisseurs qui ne lui vendaient auparavant leurs produits que par l'intermédiaire d'une autre société du groupe, ne saurait suffire à considérer que toute indemnité versée dans le cadre de cette réorganisation aurait pour contrepartie, pour la partie versante, l'acquisition d'un élément d'actif incorporel, c'est-à-dire un élément identifiable ayant une valeur économique positive pour cette entité.

Il a consécutivement jugé que la cour administrative d'appel de Paris avait commis une erreur de droit en retenant que, dès lors que l’activité d'approvisionnement était bénéficiaire pour la société Sidel SpA, et quand bien même elle n'apportait à la société Sidel Blowing et Services aucune clientèle nouvelle, l'indemnité versée, analysée pour la totalité de son montant comme le prix net du transfert de cette seule activité, après prise en compte du caractère déficitaire des autres activités transférées, devait être regardée comme porteuse d'avantages économiques futurs pour la société Sidel Blowing et Services et ne pouvait, dès lors, être déduite en charge ni pour le calcul de son résultat de l'exercice 2014, ni pour le calcul de sa valeur ajoutée.

Dans la décision du 8 octobre 2025 rendue au profit du Crédit Agricole, le Conseil d’Etat a jugé que la décote comptabilisée au titre de l'exercice de restructuration d'un prêt puis sa reprise au titre des exercices correspondant à la durée restante du prêt se traduisent par une variation de l'actif net du bilan, négative puis positive. Il en a conclu qu’au regard des articles 2221-5 et 2231-3 du règlement de l'Autorité des normes comptables du 26 novembre 2014 relatif aux comptes des entreprises du secteur bancaire, et en l'absence de disposition fiscale spéciale y faisant obstacle, la décote est déductible du bénéfice imposable au titre de l'exercice de restructuration tandis que sa réintégration vient majorer ce bénéfice au titre des exercices ultérieurs concernés.

Enfin, dans la décision du 8 octobre 2025 rendue au détriment de la société LG Services, le Conseil d’Etat a considéré que pour le calcul des provisions pour dépréciation de titres de participation dans une société à prépondérance immobilière non cotée qui sont déductibles des bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés au taux de droit commun au titre de l'exercice de leur constitution, le caractère de société à prépondérance immobilière s'apprécie en principe compte tenu de la valeur réelle des éléments de l'actif, notamment des titres détenus dans d'autres sociétés à prépondérance immobilière non cotées. Toutefois, l'administration fiscale est fondée à retenir la valeur comptable de ces titres en l'absence de toute argumentation du contribuable tendant à démontrer que la valeur réelle des éléments d'actif de la société s'écarte de leur valeur comptable.

 

Un article extrait de La Lettre de la Fiscalité - Octobre 2025