La saisine d’une cour d’appel incompétente relève désormais d’une exception d’incompétence

La saisine d’une cour d’appel incompétente relève désormais d’une exception d’incompétence

Cour de cassation – deuxième chambre civile, 3 juillet 2025 n°22-93.979 et n°21-11.905

 

Ce qu'il faut retenir :

La saisine d’une cour d’appel incompétente, qu’elle le soit territorialement ou matériellement, ne relève plus d’une fin de non-recevoir mais d’une exception d’incompétence.

Dès lors, l’appel formé devant une cour incompétente interrompt valablement le délai pour agir, permettant une régularisation utile devant la juridiction compétente.

Pour approfondir :

Les deux affaires à l’origine des arrêts rendus le 3 juillet 2025 concernaient la saisine de cours d’appel incompétentes : l’une territorialement (n° 22-23.979), l’autre matériellement (n° 21-11.905).

Dans les deux espèces, les appelants avaient tenté de régulariser la procédure. Toutefois, les appels initiaux ont été déclarés irrecevables, et les appels de « régularisation », bien que correctement dirigés, ont été rejetés pour cause de tardiveté.

Toutefois, par ces décisions, la deuxième chambre civile censure les juges du fond et opère un revirement de jurisprudence notable. Elle considère en effet désormais que la saisine d’une cour d’appel incompétente ne constitue pas une fin de non-recevoir, mais une exception d’incompétence.

Les conséquences pratiques de ce changement sont significatives.

En effet, dorénavant, un appel introduit même devant une juridiction incompétente interrompt valablement le délai d’appel, ce qui n’était pas le cas lorsque cette irrégularité relevait d’une fin de non-recevoir à défaut d’effet interruptif.

Par ailleurs, cette nouvelle qualification permet désormais un renvoi de l’affaire devant la juridiction compétente, renforçant ainsi la sécurité juridique des justiciables.

Il convient également de souligner qu’en tant qu’exception de procédure, l’incompétence devra être soulevée in limine litis, c’est-à-dire avant toute défense au fond.

La Cour de cassation motive expressément ce revirement par une volonté de simplification du droit processuel et de renforcement de l’accès au juge. Elle vise également une harmonisation de la jurisprudence, dans le sillage de la chambre commerciale qui avait déjà opéré un revirement similaire (Com. 18 oct. 2023, n° 21-15.378), ainsi que par souci de répondre aux critiques doctrinales persistantes.

Enfin, la Cour précise que cette nouvelle solution est d’application immédiate.

Il convient de souligner que la Cour de cassation aurait pu, conformément à sa jurisprudence désormais constante (Civ. 2e, 5 octobre 2023, n° 21-21.007), admettre la régularisation dès lors qu’elle intervient dans le délai d’appel — interrompu par la première déclaration d’appel — et en l’absence de décision définitive d’irrecevabilité.

Le fait qu’elle ne retienne pas cette solution, pourtant antérieurement consacrée, marque clairement sa volonté d’assumer pleinement son revirement.

À rapprocher :

 

Un article rédigé par Marine BUIRETTE du département Contentieux et Arbirtage