La référence à une marque antérieurement exploitée en licence et l’utilisation d’une marque qui prête à confusion constituent des actes de concurrence déloyale

La référence à une marque antérieurement exploitée en licence et l’utilisation d’une marque qui prête à confusion constituent des actes de concurrence déloyale

Cass. Com., 7 septembre 2022, n° 21-14.905

 

Ce qu’il faut retenir :

La simple référence à une marque antérieurement exploité en licence dans les mots-clés de la page d’accueil du site internet d’anciens concessionnaires suffit pour constituer un acte concurrence déloyale.

En outre, l’utilisation d’une enseigne commerciale, bien que proche de la marque d’un ancien concédant, constitue également un acte de concurrence déloyale si elle crée une confusion dans l’esprit de la clientèle de la marque du concédant.

 

Pour approfondir :

Entre 2008 et 2009, une société spécialisée dans la signalétique, la communication visuelle et la réalisation d’enseignes a concédé à quatre concessionnaires deux licences de marques (« PANO » et « PANO BOUTIQUE ») pour une durée de sept ans et reconduit annuellement.

En 2015, les concessionnaires n’ont pas renouvelé les contrats de licence de marque car les parties n’étaient pas parvenues à un accord sur les nouvelles conditions tarifaires.

En 2016, le concédant a assigné en justice les quatre concessionnaires devant le Tribunal de commerce de Bordeaux pour solliciter le paiement des redevances dues jusqu’à l’échéance des contrats, et des dommages-intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies, concurrence déloyale et parasitisme.

Par jugement du 26 janvier 2018, le Tribunal de commerce de Bordeaux s’est déclaré incompétent sur la demande d’usurpation et d’appropriation des marques et a renvoyé l’affaire devant le Tribunal judiciaire de Bordeaux (ancien Tribunal de grande instance) qui dispose d’une compétence exclusive en matière de propriété intellectuelle (décret n°2009-1205 du 9 octobre 2009). Cependant, les juges de première instance se sont déclarés compétents sur les autres demandes et ont condamné les concessionnaires.

Par décision du 1er mars 2021, la Cour d’appel de Bordeaux a considéré que l’action du concédant ne portait pas sur la contrefaçon de sa marque mais sur son utilisation par ses anciens concessionnaires et que de ce fait, le litige relevait de la responsabilité contractuelle et délictuelle. Dès lors, les juges du fond ont réformé le jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux qui s’était déclaré incompétent.

 

Sur la question des actes de la concurrence déloyale et de parasitisme, le concédant reprochait aux concessionnaires qui avaient perdu l’usage de sa marque :

  • d’utiliser une enseigne (« PAO PUBLICITE») similaire à sa marque (« PANO ») ;
  • de continuer d’exploiter la marque antérieurement concédée en licence comme mot-clé dans la page d’accueil du site internet de deux de ses anciens concessionnaires.

 

La Cour de cassation commence par rappeler plusieurs définitions :

  • concurrence déloyale: « l’ensemble des procédés concurrentiels contraires à la loi ou aux usages, constitutifs d’une faute intentionnelle ou non et de nature à causer un préjudice aux concurrents » ;
  • parasitisme: « un acte de concurrence déloyale qui est défini comme l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire » ;
  • confusion: « l’acte d’imitation d’éléments distinctifs d’un concurrent qui est susceptible de créer un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle. Il peut s’agir par exemple de l’imitation d’un signe distinctif, d’un produit, d’une marque, d’une enseigne, d’une publicité visant à profiter de la notoriété du concurrent. ».

 

Elle reprend ensuite le raisonnement de la Cour d’appel qui a condamné les quatre concessionnaires pour concurrence déloyale et parasitisme.

En premier lieu, la Cour de cassation a rappelé que le débat ne portait pas sur la question de savoir si le sigle utilisé par les concessionnaires était licite ou constituait une marque déposable mais si les concessionnaires se sont placés dans le sillage du concédant en utilisant une enseigne commerciale proche de sa marque après la résiliation des contrats de licence.

En l’espèce, avant la résiliation des contrats de licence, les concessionnaires étaient connus sous l’enseigne du concédant, à savoir « PANO ». Après la résiliation desdits contrats, les concessionnaires ont décidé d’utiliser l’enseigne « PAO ».

Pour la Haute juridiction, l’imitation des éléments distinctifs de la marque du concédant par les concessionnaires a créé un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle de l’ancienne marque, ce qui constitue un acte de concurrence déloyale.

En deuxième lieu, le débat portait sur l’utilisation par deux concessionnaires d’une marque qu’ils exploitaient antérieurement en licence comme mot-clé sur leur site internet.

Dans le cas d’espèce, deux anciens concessionnaires ont repris le terme « PANO » sur leur site internet, à savoir la marque du concédant. Or les concessionnaires n’avaient plus le droit d’utiliser cette marque car ils ont résilié les contrats de licence de marque.

Pour la Cour de cassation, ce référencement est abusif car les deux concessionnaires se sont servis de la marque du concédant pour orienter des clients vers leur site. D’après les juges, cette attitude illustre la volonté des concessionnaires de se placer dans le sillage du concédant en tirant profit de la notoriété de sa marque sans faire aucun effort, ce qui constitue un acte de parasitisme.

Avec cette décision, la Cour de cassation vient confirmer sa position sur les actes de concurrence parasitaire, et précise que la simple référence à une marque antérieurement exploité en licence sur un site internet suffit pour constituer un acte concurrence déloyale.

 

A rapprocher :

CA de Bordeaux, 4ème chambre commerciale, 1er mars 2021, n° 18/01046 ; TC de Bordeaux, 26 janvier 2018, n° 2016F00694.

 

Un article rédigé par Anne Qin du département Concurrence, Distribution, Consommation