Interdépendance des contrats s’inscrivant dans une opération incluant une location financière : la clause de divisibilité est réputée non-écrite
Cass. com., 10 janvier 2024, n°22-20.466
Ce qu’il faut retenir :
Selon la Cour de cassation, visant l’article 1186 du Code civil, les contrats concomitants ou successifs s’inscrivant dans une opération qui inclut une location financière étant interdépendants, il en résulte que l’exécution de chacun de ces contrats est une condition déterminante du consentement des parties.
Ainsi, lorsque l’un d’eux disparaît, les autres contrats sont caducs si le contractant contre lequel cette caducité est invoquée connaissait l’existence de l’opération d’ensemble au moment où il a donné son consentement.
Dans les contrats qui forment une opération incluant une location financière, les clauses inconciliables avec cette interdépendance sont réputées non écrites.
Pour approfondir :
L’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation s’est prononcé sur le sort des clauses de divisibilité prévues dans des contrats s’inscrivant dans une opération incluant une location financière à l’aune du nouvel article 1186 du Code civil, issu de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.
Le 27 octobre 2016, une société de location financière (le bailleur) a conclu avec une association un contrat de location d’une durée de 21 trimestres portant sur un copieur acquis par le bailleur auprès d’une autre société (le vendeur).
Le même jour, l’association a conclu avec le vendeur, qui a ultérieurement été placé en liquidation judiciaire, un contrat de maintenance portant sur ce matériel.
Se prévalant de divers dysfonctionnements, l’association a notifié au liquidateur judiciaire du vendeur la résiliation du contrat de maintenance et a déclaré sa créance.
Puis, se prévalant de l’interdépendance des contrats, elle a notifié au bailleur la caducité du contrat de location financière.
Le liquidateur judiciaire du vendeur a indiqué à l’association que le contrat de maintenance n’était pas poursuivi, et que le juge commissaire avait autorisé la cession du fichier client du vendeur pour qu’une société tierce puisse proposer un nouveau contrat de maintenance.
Dans ce contexte, le bailleur a assigné l’association en résiliation du contrat de location financière, en restitution du matériel et en paiement des loyers et de l’indemnité de résiliation.
La Cour d’appel de Paris a jugé que l’association était mal fondée à réclamer la caducité du contrat de location financière. Elle considérait en effet que le contrat de maintenance ne s’inscrivait pas dans un lien d’interdépendance avec le contrat de location.
L’association, considérant que la Cour d’appel de Paris avait méconnu l’article 1186 du Code civil dans son raisonnement, a formé un pourvoi en cassation.
C’est dans ce contexte qu’a été rendu l’arrêt du 10 janvier 2024, publié au bulletin, faisant application de l’article 1186 du Code civil tel qu’issu de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.
- - Sur la question de l’interdépendance des contrats, la Cour de cassation considère que « les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière (sont) interdépendants ».
Sur ce point, la Cour adopte la même formulation que celle de sa jurisprudence antérieure qui était quant à elle rendue au visa de l’article 1134 ancien du Code civil (voir notamment Chambre Mixte, 17 mai 2013, n°11-22.927 ou Chambre commerciale, 12 juillet 2017, n°15-27.703).
Se posait alors la question du sort des clauses de divisibilité dans ce type d’opération.
Poursuivant son raisonnement, la Cour de cassation, confirmant la jurisprudence précitée du 17 mai 2013, considère que « dans les contrats formant une opération incluant une location financière, sont réputées non écrites les clauses inconciliables avec cette interdépendance ».
La solution posée par la Cour est claire : lorsqu’une opération qui comprend plusieurs contrats inclut une location financière, les clauses de divisibilité doivent être réputées non-écrites du fait de l’interdépendance des contrats en cause.
On ignore à ce jour la portée de cette solution, pour l’instant limitée aux opérations incluant une location financière. Il faudra donc surveiller si la jurisprudence se prononce sur ce sujet prochainement.
- - Sur la question de la connaissance par le bailleur de l’opération d’ensemble, la Cour de cassation tranche clairement ce point.
Elle considère que le contrat étant inclus dans une opération comportant une location financière, le bailleur avait nécessairement connaissance de l’existence de l’opération d’ensemble lorsqu’il avait donné son consentement.
Ainsi, selon la Cour de cassation, le fait que l’opération inclut une location financière implique nécessairement la connaissance par le bailleur de l’opération d’ensemble.
Tels sont les apports de cet arrêt, faisant application de l’article 1186 du Code civil tel qu’issu de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
A rapprocher : Cass., Ch. mixte, 17 mai 2013, n°11-22.927 ; Cass. com., 12 juillet 2017, n°15-27.703.
Un article rédigé par Auriane Sepval, du département Concurrence, Distribution, Consommation