EUROPE – Droit des faillites : Adoption le 13 décembre 2024 d’un accord partiel par les ministres européens de la Justice de proposition de réglementation pour harmoniser certains éléments des législations nationales en matière d’insolvabilité
Point au 13 janvier 2025
En bref :
Les 27 pays de l’Union Européenne (« UE ») ont scellé un accord partiel sur un projet de directive visant à harmoniser le droit à l’insolvabilité.
Pour rappel, en matière de droit des faillites, les règles différents encore largement entre les Etats membres.
Dès lors, l’objet de cette nouvelle directive européenne consisterait à lever les obstacles à l’investissement transfrontalier en harmonisant ces règles relatives au droit des faillites.
L’harmonisation du droit de l’insolvabilité est considérée comme étant un domaine clé pour parvenir à une véritable union des marchés de capitaux.
L’Union des marchés des capitaux (« UMC »)
Créée il y a 10 ans, l’UMC est un pan de l’Union européenne qui peine à avancer. Néanmoins, elle est indispensable pour favoriser l’investissement en Europe.
En 2015, un rapport du Sénat [1] considérait que l’Union des marchés de capitaux était indispensable. Benoit Coeuré y affirmait d’ailleurs que : "Le marché unique des capitaux n'est pas seulement souhaitable : c'est un véritable impératif".
En réalité, il n’y a, techniquement, pas d’entraves à la libre circulation des capitaux.
Autrement dit, tout européen est libre de créer un compte bancaire ou d’acheter des actions (d’une société) dans n’importe quel Etat membre.
Toutefois, il n’existe pas de marché des capitaux unique. Il en résulte que chaque personne désireuse d’investir dans un autre pays, doit se soumettre à la réglementation nationale du pays. C’est notamment le cas pour le droit des faillites.
Il y a d’ailleurs autant de droit des faillites que d’Etats membres. Or, il est par exemple primordial pour celui qui souhaite investir dans un autre pays, de savoir s’il fera partie des créanciers prioritaires ou chirographaires.
Ainsi, cela représente un frein aux investissements en Europe, en ce que cela complique l’évaluation des opportunités d’investissement et augmente les risques juridiques. De plus, effectuer toutes ces recherches prend du temps sans compter le coût associé.
Comme le souligne Bence Tuzson, ministre hongrois de la Justice : « un climat d’investissement favorable est une condition préalable pour renforcer la compétitivité de l’UE ». La solution serait alors d’harmoniser le droit des faillites des 27 pays de l’UE, ce qui en pratique se révèle être complexe, tant techniquement que politiquement.
De nombreuses initiatives ont pourtant vu le jour. [2]
Un constat : de nombreux pays restent opposés à cette harmonisation dont, notamment, le Luxembourg qui espère conserver ses avantages réglementaires et fiscaux.
Par conséquent, l’accord partiel adopté par les ministres européens de la Justice, le 13 décembre 2024, constitue un pas symbolique dans la volonté d’avancer dans le développement de l’UMC.
En effet, ces derniers se sont réunis à Bruxelles, afin d’adopter un accord partiel sur une proposition de réglementation présentée par la Commission européenne en 2022, visant à aligner certains aspects du droit de l’insolvabilité.
La proposition de directive vise à :
•Garantir que les créanciers puissent récupérer la valeur maximale de la société liquidée ;
•Améliorer l’efficacité des procédures d’insolvabilité ;
•Accroitre la prévisibilité et la répartition équitable de la valeur récupérée entre les créanciers ;
•Améliorer la transparence et l’efficacité des procédures ;
•Maximiser les valeurs recouvrables pour les créanciers ;
Pour ce faire, la proposition de directive prévoit notamment :
•D’obliger les dirigeants à déclarer l’insolvabilité dans un délai de 3 mois, sauf s’ils prennent des mesures pour protéger les créanciers
•De garantir l’accès des praticiens aux informations nécessaires pour retracer les actifs (en prévoyant l’interconnexion des registres bancaires à travers le système BRIS « Business Registers Interconnection System »
Néanmoins, la ministre de la Justice estonienne, Liisa-Ly Pakosta, exprime des préoccupations quant à l'absence de procédures simplifiées pour les petites entreprises, ainsi qu'au manque de ressources humaines au sein du système judiciaire pour traiter des procédures qui ne sont pas en adéquation avec les pratiques locales, mettant ainsi en lumière des inquiétudes persistantes.
Et après ?
Depuis le 1er janvier 2025, les discussions se poursuivent et ce, sous la présidence polonaise de l’UE, afin de finaliser des aspects restants de la directive.
Certains sujets jugés « très sensibles » tels que la liquidation simplifiée pour les microentreprises, ou encore la mise en place de comités de créanciers au sein de l’UE, figurent encore parmi les points en débat.
Dès lors, si cette future directive est adoptée, il restera encore à recueillir le feu vert du Parlement européen, avant de parvenir à un accord final, qui devra être transposé dans chacun des Etats membres.
Il reste encore du chemin à parcourir, mais cette proposition de directive s’ajoute à la liste de progrès réalisés par l’UE au sujet de l’Union des marchés de capitaux.
A rapprocher :
[1] https://www.senat.fr/leg/ppr14-640.html
Un article rédigé par Cristelle Albaric, du département International