En refusant de renvoyer une question prioritaire de constitutionnalité le concernant, le Conseil d’Etat restreint la portée de l’ « amendement Charasse »

En refusant de renvoyer une question prioritaire de constitutionnalité le concernant, le Conseil d'Etat restreint la portée de l'"amendement Charasse"

CE, 28 octobre 2025, n°502-486

 

Ce qu'il faut retenir : 

Par une décision du 28 octobre 2025, le Conseil d’Etat a refusé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’ « amendement Charasse » (CE, 28 octobre 2025, n° 502 486, SAS Lilas France). Ce refus est paradoxalement favorable à la requérante, puisqu’il restreint le champ et les modalités d’application de ce dispositif.

Pour approfondir : 

Codifié sous le sixième alinéa de l’article 223 B du Code général des impôts, le mécanisme dit « amendement Charasse » limite – au moyen de leur réintégration dans les résultats du groupe – les effets de la déductibilité des charges financières dans le cas d’une acquisition à titre onéreux, par une société membre d’un groupe fiscalement intégré, des titres d’une société qui est intégrée à ce groupe, si l’acquisition a été effectuée auprès de la personne physique ou morale qui contrôle le groupe.

Dans une décision qui avait été critiquée par la doctrine universitaire, le Conseil constitutionnel avait précédemment refusé de déclarer l’inconstitutionnalité de principe de ce dispositif, en retenant que s’il déroge au droit commun, il est destiné à « éviter un cumul d’avantages fiscaux » en cas de vente à soi-même, et ne porte donc pas atteinte au principe d’égalité (Cons. const., 20 avril 2018, n° 2018-701 QPC, Sté Mi Développement 2).

Les modalités d’application de ce dispositif ont ensuite été contestées par la société Lilas France.

Au soutien d’une demande de renvoi d’une QPC, elle considérait, d’une part, que, pour le calcul des charges financières à réintégrer, le prix d'acquisition des titres n’est réduit du montant des fonds apportés à la société cessionnaire qu’en cas d’augmentation de capital réalisée simultanément à l'acquisition de ces titres, et qu’une telle réduction n’est pas accordée si l’acquisition est financée par un apport. Le Conseil d’Etat n’a toutefois pas admis la validité de cette analyse, en jugeant que les dispositions de l’ « amendement Charasse » « ne visent que les opérations d'achat de titres, à l'exclusion des opérations d'apports de titres rémunérées par des titres de la société cessionnaire, qui ne sont pas susceptibles de créer des charges financières pour cette dernière ». Il a, ce faisant, limité le champ d’application de l’ « amendement Charasse », ce qui était certainement l’objectif de la requérante dans le cadre d’un pourvoi dirigé contre un arrêt de la cour administrative d’appel de Paris rendu à son détriment (CAA Paris, 17 janvier 2025, n° 23PA05010), qui retient une conception extensive du champ d’application du sixième alinéa de l’article 223 B du Code général des impôts.

D’autre part, le Conseil d’Etat a jugé que lorsqu’il s’applique, le mécanisme de l’ « amendement Charasse » conduit à ne pas inclure la valeur des titres apportés au sein du prix d'acquisition qui est utilisé pour calculer le ratio de la quote-part de charges financières à réintégrer.

A nouveau, ce refus de renvoi d’une QPC au Conseil constitutionnel est favorable aux contribuables, puisqu’il est justifié par une limitation de la portée de l’ « amendement Charasse ».

 

Un article extrait de La Lettre des Affaires Publiques - Novembre 2025