Directions juridiques et avocats : Ensemble les mains sur le volant !

Directions juridiques et avocats : Ensemble les mains sur le volant !

 

Jean-Charles SIMON  a été invité à participer à une table ronde sur les relations entre directeurs juridiques et avocats lors de la neuvième édition des Rendez-vous des Transformations du Droit le 26 novembre 2025. Organisée par Septeo Legal Suite à la Cité des Sciences de Paris, cette conférence nous a réuni autour de Carla Hegly-Chung (Septeo), Jérôme Frizzera-Mogli (Edhec Augmented Law Institute), et Sophie Vieilledent (Fnac Darty) autour d'une question centrale : comment transformer la relation client DJ-avocat traditionnelle en alliance stratégique performante ?

Du conflit à la collaboration

Les tensions entre directions juridiques et cabinets d'avocats ont vécu dans le contexte actuel de transformation accélérée. Les entreprises font face à une multiplication des normes – conformité, cybersécurité, données personnelles, climat, intelligence artificielle – qui exposent juridiquement, humainement et économiquement les directions juridiques et les dirigeants qu'elles accompagnent. Dans cet environnement, la performance juridique devient un facteur de compétitivité pour l'entreprise.

La métaphore footballistique proposée par Jérôme Frizzera-Mogli structure une approche pragmatique : pour gagner, il faut un terrain propre, un ballon commun et le même maillot, tout en s'adaptant aux règles changeantes imposées par l'intelligence artificielle.

Le terrain et le ballon : l'interopérabilité technologique

L'infrastructure numérique constitue le terrain de jeu commun indispensable. Lorsque directions juridiques et avocats travaillent avec des systèmes d'information fragmentés, multipliant fichiers et outils incompatibles, la collaboration devient difficile. Rien n'est plus contre-productif qu'un avocat qui travaille sans lien avec le système d'information du client.

L'avocat moderne doit être interopérable avec la direction juridique : utiliser les mêmes outils, plateformes collaboratives et solutions d'intelligence artificielle. Les avis juridiques doivent être exploitables et intégrés dans le flux de décision de l'entreprise, non isolés dans des formats propriétaires. La data partagée, fiable et visible devient le ballon unique permettant un jeu fluide, particulièrement avec l'émergence de l'IA.

Le même maillot : les équipes pluridisciplinaires

Les Multi-Disciplinary Teams ne sont pas un concept futur mais une réalité opérationnelle actuelle. Par exemple, dans les dossiers de restructuring impliquant financiers, dirigeants, directions juridiques et experts sectoriels, dans les projets de conformité réglementaire (RGPD, NIS2, DORA) associant juristes, avocats, DPO et services informatiques, ou dans la gestion des risques contractuels combinant cartographie, outils et reporting, les équipes hybrides démontrent leur efficacité.

Ces équipes performantes nécessitent une culture commune, un alignement des modèles de rémunération et des habitudes de travail collectif. Les conflits culturels traditionnels – délais, budgets, granularité des réponses – se résolvent par des modèles d'honoraires transparents, la co-construction, des bilans réguliers, la formation mixte avocat-juriste et la circulation des talents entre entreprises et cabinets.

L'intelligence artificielle change fondamentalement les règles du jeu

L'IA transforme radicalement la pratique juridique en automatisant la recherche, la vérification, la gestion des risques et la prévisibilité des scénarios. Ce qui rapproche aujourd'hui directions juridiques et avocats n'est pas la technique mais la pression partagée : la nécessité d'aller vite, de gérer des risques systémiques et de rendre des comptes aux comités exécutifs, conseils et actionnaires.

Le savoir juridique devient commoditisé. La valeur réside désormais dans l'analyse, le jugement, la stratégie et le sang-froid. L'avocat doit se réinventer autour du raisonnement augmenté, du pilotage de risques, de la coordination de projets complexes et de la résilience dans les crises.

L'IA ne juge pas, ne négocie pas, ne rassure pas et ne prend pas la responsabilité morale d'une décision – le DJ et l'avocat si. Le rôle évolue du producteur de droit vers le vérificateur et transformateur, exigeant une transparence totale sur les IA utilisées et leurs finalités. Le contenu juridique se co-construit désormais entre directions juridiques et avocats, partageant données et outils dans un nouveau modèle de délivrance.

Une responsabilité commune

En conclusion, le futur ne sera pas directions juridiques contre avocats, mais directions juridiques avec avocats, autour d'un terrain commun, d'un ballon commun et d'une responsabilité commune : aider l'entreprise à faire face à un monde instable.

L'objectif n'est plus d'avoir raison juridiquement mais d'avoir raison stratégiquement.

Dans cette transformation, directions juridiques et avocats doivent cesser de se regarder comme deux mondes séparés : ce sont deux mains qui tiennent le même volant !

Un article rédigé par Jean-Charles SIMON à la suite de la table ronde "Relation avocats-juristes : sortir du "Je t'aime moi non plus""

lors de la 9ème édition des Rendez-vous Transformations du Droit