Décret « Magicobus 1 » : assouplissement du régime des fins de non-recevoir et extension de l’audience de règlement amiable (ARA)

Décret « Magicobus 1 » : assouplissement du régime des fins de non-recevoir et extension de l’audience de règlement amiable (ARA)

Décret n° 2024-673 du 3 juillet 2024

 

Ce qu’il faut retenir :

Le décret n° 2024-673 du 3 juillet 2024 publié au Journal officiel du 5 juillet 2024 revient partiellement sur la réforme du 11 décembre 2019 qui avait confié les fins de non-recevoir au juge de la mise en état. Si le juge de la mise en état (JME) reste compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir, celui-ci se voit désormais attribuer la faculté de joindre l’incident au fond.

Le décret étend également l’audience de règlement amiable (ARA) aux juridictions du Bas-Rhin, Haut-Rhin et Moselle, ainsi qu’aux tribunaux de commerce.

Toutes ces mesures entreront en vigueur au 1er septembre 2024.

 

Pour approfondir :

I- « Assouplissement du régime des fins de non-recevoir »

Le 11 décembre 2019, était publié le décret n°2019-1333 « réformant la procédure civile ». A cette occasion, les pouvoirs du juge de la mise en état ont été étendus, ce dernier disposant de la compétence exclusive pour statuer sur toutes les fins de non-recevoir.

 

Pour rappel, conformément à l’article 122 du Code de Procédure Civile, constitue une fin de non-recevoir : « tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir ».

 

Si cette réforme avait pour but de simplifier la procédure civile, en pratique, elle en a compliqué certains aspects. En effet, si en vertu de l’article 123 du Code de procédure civile, les fins de non-recevoir peuvent être proposées « en tout état de cause », elles doivent, pour être recevables, être soulevées devant le bon juge. La question s’est alors posée de savoir quel juge était compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir présentant un lien direct avec le fond de l’affaire.

L’imprécision de la réforme a entrainé une multiplication des demandes formulées devant le JME, parfois dans un but dilatoire. Le décret de 2019 n’était ainsi pas parvenu à remplir son objectif de fluidification et de simplification des procédures. Une intervention était donc attendue de pied ferme.

 

C’est dans ce contexte que le décret n°2024-673 du 3 juillet 2024 a été publié. Par l’effet de celui-ci, le juge de la mise en état se voit attribuer la faculté nouvelle de joindre l’incident au fond par l’ajout d’un alinéa à l’article 125 du Code de Procédure Civile :

 

« Lorsqu'une fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir dans le même jugement, mais par des dispositions distinctes. Sa décision a l'autorité de la chose jugée relativement à la question de fond et à la fin de non-recevoir. »

 

En clair, le décret entérine une pratique déjà employée par certains juges de la mise en état, consistant à joindre certains incidents au fond du dossier.

 

Une telle initiative de la Chancellerie ne peut qu’être saluée. Néanmoins, il convient de nuancer la portée de ce décret, qui entrera en vigueur au 1er septembre 2024, et qui sera applicable aux instances en cours à cette date.

 

En effet, il ne s’agit pas de renier la compétence qui avait été attribuée au juge de la mise en état dans la mesure où les fins de non-recevoir devront toujours lui être obligatoirement proposées dans un premier temps.

 

Seul le juge de la mise en état appréciera si la « fin de non-recevoir [qui] nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond », ce dernier disposant d’un pouvoir discrétionnaire. Cette nouvelle disposition laisse entrevoir une généralisation de la pratique consistant à joindre les incidents au fond de l’affaire dès le stade de l’instruction.

 

Les parties seront tenues en cas de jonction de l’incident au fond, de « reprendre la fin de non-recevoir dans les conclusions adressées à la formation de jugement » ce qui constitue une nouvelle charge procédurale pour elles.

 

En tant que mesure d’administration judiciaire, la jonction par le JME de la fin de non-recevoir au juge du fond ne sera pas susceptible d’appel.

 

II- « Extension de l’ARA »

Outre la réforme du régime des fins de non-recevoir, le décret du 3 juillet 2024 étend l’Audience de Règlement Amiable aux juridictions du Bas-Rhin, Haut-Rhin et Moselle, ainsi qu’aux tribunaux de commerce et au juge des loyers commerciaux.

 

Pour rappel, l’ARA avait été introduite par le décret n°2023-686 du 29 juillet 2023 entré en vigueur le 1er novembre 2023. Prévue à l’article 774-2 du Code de procédure civile, cette nouvelle procédure permet au juge d’inciter et d’aider les parties à trouver un accord amiable « […] par la confrontation équilibrée de leurs points de vue, l’évaluation de leurs besoins, positions et intérêts respectifs, ainsi que la compréhension des principes juridiques applicables au litige » sous l’égide d’un juge tiers ne siégeant pas dans la formation du jugement initial.

 

Jusqu’alors, l’ARA était optionnelle et mise en place sur avis du juge ou par la volonté des parties dans le cadre de certaines procédures spécifiques : celles nécessitant un la représentation par avocat ainsi que les procédures en référés devant le Tribunal judiciaire et le Juge des contentieux de la protection.

 

L’extension de l’ARA aux tribunaux de commerce soulève toutefois des interrogations quant à son opportunité en raison de l’absence de publication de rapports rendant compte de son efficacité dans sa mise en œuvre initiale. Quoi qu’il en soit, ce nouveau décret marque l’avancée significative des modes de règlements amiables des différends.

 

A rapprocher :

Lettre du Cabinet : L’introduction de deux nouveaux modes de résolution amiable des litiges devant le tribunal judiciaire : l’audience de règlement amiable et la césure du procès ; Décret n° 2024-673 du 3 juillet 2024 ; Art. 122, 123 & 125 du Code de Procédure Civile ; Décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 ; Décret n°2023-686 du 29 juillet 2023 ; Art. 774-2 du Code de procédure civile

 

Un article rédigé par Marine Buirette et Quentin Pierlot du département Contentieux & Arbitrage