Compte-tenu des règles relatives à l'ordre d'imputation des déficits, le Conseil d'Etat limite l'exercice du droit de reprise de l'administration fiscale
Ce qu'il faut retenir :
Dans une décision qui sera publiée au recueil Lebon, le Conseil d’Etat juge que « les déficits reportés sur les exercices suivants sont imputés sur les résultats bénéficiaires par ordre chronologique, en commençant par le déficit ou le reliquat de déficit le plus ancien, dès que les résultats de l'un de ces exercices font apparaître un bénéfice, (…) à concurrence de l'intégralité de ce bénéfice » (CE, 9e et 10e ch., 14 novembre 2025, n°493824, Société Faun Environnement). Il en tire d’importantes conséquences en ce qui concerne le droit de reprise de l’administration qui ne peut désormais plus porter, s’ils ont été réalisés durant des exercices prescrits, que sur les déficits qui n’avaient pas été imputés sur des bénéfices couverts par la prescription.
Pour approfondir :
Favorable aux contribuables, cette limitation résulte de la combinaison des règles relatives à l’ordre d’imputation des déficits, issues du troisième alinéa de l’article 209 du Code général des impôts, et de celles de l’article L. 169 du Livre des procédures fiscales relatives au droit de reprise de l’administration. Précédemment, le Conseil d’Etat considérait que l’administration était en droit, sans aucune limite, de « discuter la réalité du déficit provenant de la période prescrite » dans le cadre de la reprise des résultats de la période non prescrite » (CE, plén. fisc., 4 nov. 1970, n° 75564, Sté Clinique Bon-Secours : Lebon, p. 636 ; Dr. fisc. 1971, n° 4, comm. 66, concl. J. Delmas-Marsalet ; Dr. fisc. 1970, n° 50, comm. 1428). Récemment, il avait d’ailleurs jugé que « Lorsque l'administration procède au contrôle fiscal d'une entreprise au titre d'un exercice, elle est fondée à exercer son pouvoir de contrôle et de rectification sur l'existence et le montant du déficit reportable, issu d'exercices antérieurs, même prescrits, dont cette entreprise déclare disposer à la clôture de l'exercice vérifié, alors même que ce déficit, qui n'a pas été imputé sur les bénéfices de cet exercice, est seulement susceptible d'affecter le résultat d'exercices ultérieurs par la voie du report déficitaire » (CE, 8e et 3e ch., 5 juill. 2023, n° 464928, SA ST Dupont : Dr. fisc. 2023, n° 29, act. 272).
Désormais, la possibilité de remettre en cause des déficits constatés au titre d’exercices prescrits est limitée. Certes, la décision Société Faun Environnement retient que, dans la lignée de la jurisprudence antérieure, « Lorsque l'administration procède, au titre d'un exercice, au contrôle fiscal d'une entreprise soumise à l'impôt sur les sociétés, elle est fondée à exercer son pouvoir de contrôle et de rectification sur l'existence et le montant du ou des déficits en report, issus d'exercices antérieurs, même prescrits, que cette entreprise a imputés sur les bénéfices de l'exercice vérifié ou dont elle déclare disposer à la clôture de cet exercice ».
Mais il en ressort également, ce qui vient limiter la portée de la jurisprudence antérieure et limiter le droit de reprise de l’administration, que, « En revanche, lorsqu'un déficit issu d'un exercice antérieur est (…) réputé avoir été entièrement imputé sur les résultats bénéficiaires d'exercices prescrits, l'administration fiscale n'est plus en droit d'exercer son pouvoir de contrôle et de rectification sur l'existence et le montant de ce déficit ». Cette nouvelle règle emporte également des conséquences dans les situations intermédiaires : « Lorsqu'un tel déficit a été pour partie seulement imputé, conformément à ces mêmes règles, sur les résultats bénéficiaires d'exercices prescrits, l'administration fiscale reste en droit d'exercer son pouvoir de contrôle et de rectification sur l'existence et le montant de ce déficit et peut en tirer les conséquences, dans la limite du reliquat de ce déficit non imputé sur les résultats bénéficiaires d'exercices prescrit ».
Un article extrait de La Lettre de la Fiscalité - Novembre 2025
