Cession d’actions du franchiseur sans l’accord préalable des franchisés et indivisibilité du contrat de location-gérance et du contrat de franchise

Cession d’actions du franchiseur sans l’accord préalable des franchisés et indivisibilité du contrat de location-gérance et du contrat de franchise

Cass. com., 15 mai 2024, n° 22-20.747, B

 

Ce qu’il faut retenir :

La cession de contrôle d’une société du franchiseur ou le changement de ses dirigeants ne sont pas soumis à l'accord préalable des franchisés, faute de modification de la personne morale et sauf clause contraire.

Le contrat de location-gérance et le contrat de franchise sont indivisibles, de sorte que la cessation du premier entraîne de plein droit la caducité du second.

 

Pour approfondir :

En 2013, un franchisé a conclu deux contrats de franchise pour une durée de dix ans. En parallèle, le franchisé a conclu avec une société du groupe du franchiseur deux contrats de location-gérance de fonds de commerce renouvelables annuellement par tacite reconduction.

En 2015, le franchiseur a annoncé le rachat de l’ensemble de son activité par une société concurrente.

En 2016, le bailleur a informé le franchisé que ses deux contrats de location-gérance ne seraient pas renouvelés et qu’ils prendraient donc fin en 2017.

Le franchisé s’est néanmoins maintenu dans les lieux jusqu’en 2018.

En réponse, le franchiseur a assigné en justice le franchisé en soutenant l’indivisibilité du contrat de franchise et du contrat de location-gérance afin de constater la caducité du contrat de franchise et le paiement des loyers relatifs à la jouissance des locaux postérieure au terme du contrat de location-gérance.

Par jugement du 12 juillet 2018, le Tribunal de commerce de Rennes a notamment condamné le franchiseur a indemnisé le franchisé pour préjudice subi au titre des gains manqués et ordonné l’expulsion du franchisé.

La Cour d’appel de Paris a partiellement infirmé le jugement de première instance et retenu le principe de l’autonomie de la personne morale et l’indivisibilité du contrat de location-gérance et du contrat de franchise.

La Cour de cassation a confirmé le raisonnement des juges du fond et cet arrêt nous apporte deux enseignements.

 

  1. La Cour de cassation a rappelé que le contrat de franchise est conclu par le franchisé en considération de la personne du franchiseur, en tant que personne morale.

Dans le cas d’espèce, le franchisé a contesté la « transmission » du contrat de franchise, sans son accord préalable, au franchiseur ayant pris le contrôle du premier.

La Cour de cassation a considéré que la cession des parts ou actions de la société du franchiseur à une société tierce et les modifications de dirigeants n’impliquent pas un changement de la personne morale qui emporterait une cession du contrat de franchise.

En d’autres termes, les juges ont appliqué le principe de l’autonomie de la personne morale à la franchise : le contrat de franchise est conclu en considération de la personne du franchiseur, sa personne morale, indépendamment du changement des associés et de ses dirigeants.

A l’inverse, nous pouvons en conclure que l’accord préalable des franchisés est nécessaire pour les opérations qui affectent la personne morale du franchiseur. C’est par exemple le cas en matière de transmission universelle du patrimoine ou de fusion-absorption.

En conséquence, et sauf clause contraire, la cession de contrôle n’est pas soumise à l'accord préalable du franchisé car cela n’emporte pas changement de la personne morale.

Cette solution a déjà été admise pour les contrats de bail commercial et s’applique désormais aux contrats de franchise.

Les parties pourront éventuellement insérer des clauses d’encadrement dans les contrats de franchise mais la rédaction de ces clauses devra être circonscrite afin d’éviter les blocages de gestion dans l’organisation de la société du franchiseur et tous litiges contractuels.

 

  1. La Cour de cassation précise également dans cet arrêt que le contrat de location-gérance constitue le support du contrat de franchise sans lequel celui-ci ne peut s’exécuter.

Les juges ont constaté, d’une part, que l’indivisibilité était prévue dans les contrats de location-gérance, d’autre part, que la dénonciation des contrats de location-gérance était régulièrement intervenue.

La Haute juridiction en conclut que le contrat de location-gérance et le contrat de franchise, associés au même fonds de commerce, poursuivaient la réalisation d'une même opération économique, et qu’ils pouvaient donc être caractérisés de contrats indivisibles. Ainsi, la cessation du premier à son terme entraîne de plein droit la caducité du second à la même date.

 

A rapprocher : Cass. com., 29 janv. 2013, n° 11-23.676

 

Un article rédigé par Anne Qin du département Distribution, Concurrence, Consommation