Avoirs détenus à l'étranger, taxation d'office et libre circulation des capitaux : les règles de prescription applicables ne violent pas le droit de l'Union Européenne

Avoirs détenus à l'étranger, taxation d'office et libre circulation des capitaux : les règles de prescription applicables ne violent pas le droit de l'Union Européenne

 

Ce qu'il faut retenir : 

Dans une décision du 17 septembre 2025 (Cass. com., 17 sept. 2025, n°23-10.403), la Cour de cassation a jugé que le dispositif de taxation d'office des avoirs détenus sur un compte non déclaré à l'étranger poursuit le « but légitime de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales », et qu’en tant qu'il fixe le point de départ du délai de prescription à l'expiration des délais prévus à l'article L. 23 C du livre des procédures fiscales, il repose sur un régime de prescription qui n'est pas disproportionné au regard de ce but. Elle en a conclu que les articles L. 23 C du livre des procédures fiscales et 755 du code général des impôts ne sont pas incompatibles avec le principe de sécurité juridique et la liberté européenne de circulation des capitaux protégée par l'article 63 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Pour approfondir : 

Dans cette affaire, un procureur de la République avait transmis à l’administration fiscale, en 2014, des informations selon lesquelles deux contribuables auraient été titulaires de comptes bancaires ouverts dans les livres d'une banque établie en Suisse. Sur le fondement de l'article L. 23 C du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale avait ensuite interrogé ces derniers quant à l'origine et aux modalités d'acquisition des avoirs figurant sur ces comptes au cours de la période de novembre 2005 à février 2007. Enfin, en 2015, l'administration fiscale avait, en l’absence de réponse des contribuables, procédé à la taxation d'office aux droits de mutation à titre gratuit des avoirs figurant sur leurs comptes bancaires, en application des articles L. 71 du livre des procédures fiscales et 755 du code général des impôts.

Pour contester cette taxation d’office, les contribuables avaient fait valoir que son fait générateur résultait de leur absence de réponse, et que dans la mesure où le point de départ de la prescription se situait 60 jours après cette absence, il en résultait un effet d'imprescriptibilité.

Après avoir retenu que des règles applicables spécifiquement aux comptes détenus à l’étranger étaient de nature à restreindre la libre circulation des capitaux protégée par le droit de l’Union européenne, la Cour de cassation a considéré, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, qu’elle était justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général, à savoir la lutte contre la fraude fiscale.

Se posait alors la question de la proportionnalité du dispositif. En retenant d’une part « que l'administration fiscale ne peut adresser une demande d'information ou de justification relative aux avoirs détenus sur un compte bancaire à l'étranger que lorsque les obligations déclaratives énoncées à l'article 1649 A du code général des impôts n'ont pas été respectées au cours des dix années précédentes », et que le contribuable peut d’autre part échapper à la taxation d’office s’il fournit les réponses demandées, la Cour de cassation a jugé que le principe de sécurité juridique, et donc l’exigence de proportionnalité, était respecté

 

Un article extrait de La Lettre de la Fiscalité - Octobre 2025