Application de l’article L.442-1 du Code de commerce aux CSE

Application de l’article L.442-1 du Code de commerce aux CSE

Cour d’appel de Paris, 2 octobre 2024  (RG n°23/18714)

 

Ce qu’il faut retenir :

La Cour d’appel de Paris a récemment rappelé l’applicabilité de l’article L.442-1 II du Code de commerce relatif à la rupture brutale de relations commerciales établies à un comité social et économique (CSE), anciennement comité d’entreprise.

Cette décision, rendue dans le cadre d’un litige opposant une association à un CSE, conforte la tendance jurisprudentielle selon laquelle la notion de « relations commerciales établies » doit être entendue lato sensu. 

 

Pour approfondir :

Pour rappel, le Code de commerce (art. L.442-1 II et suivants) sanctionne les ruptures brutales de relations commerciales établies et confère une compétence dérogatoire et exclusive à certaines juridictions spécialisées (art. D.442-4) pour trancher les litiges fondés sur ces textes. La liste précise de ces juridictions spécialisées est détaillée dans l'annexe 4-2-2 du même code.

En l’espèce, dans le cadre de la gestion de prestations sociales et culturelles, un CSE a sollicité pendant plus de quinze ans les services d'une association organisant et animant des activités de loisirs, culturelles et artistiques. Se plaignant d’une rupture brutale des relations commerciales, l’association a saisi le Tribunal Judiciaire de Paris d’une demande indemnitaire sur le fondement des articles L.442-1 II, L.442-4 III et D.442-4 du Code de commerce.

Saisi d’une exception d’incompétence par le CSE, le juge de la mise en état du Tribunal Judiciaire de Paris, faisant droit à l’argumentation du demandeur à l’incident et considérant que les dispositions susvisées sont applicables uniquement aux personnes exerçant une activité commerciale, a rendu une ordonnance par laquelle il a déclaré ce tribunal incompétent au profit du Tribunal Judiciaire de Bobigny. Le juge de la mise en état a ainsi considéré que dans l’exercice de sa mission, le CSE n’avait pas la qualité de commerçant, excluant de facto l’application des dispositions de l’article L.442-1 II du Code de commerce.

L’ordonnance a été déférée à la Cour d’appel de Paris, qui, par son arrêt du 2 octobre 2024, a censuré la position du juge de la mise en état et a jugé que le Tribunal Judiciaire de Paris a une compétence exclusive et spéciale pour trancher le litige opposant l’association au CSE.

 

La Cour d’Appel de Paris justifie parfaitement sa décision : une relation commerciale peut être caractérisée même en l’absence d’accomplissement d’actes de commerce stricto sensu, c’est-à-dire sans accomplissement des actes énumérés aux articles L.110-1 à 4 du Code de commerce. Ainsi, lorsqu’un CSE fait appel, de façon régulière, ancienne et répétée, dans le cadre de sa gestion de prestations sociales et culturelles à destination du personnel de l’entreprise, aux prestations proposées par une association, il accomplit des actes de nature commerciale. La relation nouée doit dès lors, selon la Cour, être assimilée à une relation commerciale.

La position de la Cour d’appel de Paris n’étonne guère. En effet, depuis longue date, la Cour de cassation interprète de façon extensive les dispositions du Code de commerce relatives à la rupture brutale de relations commerciales (application à une association ou encore à une société d’assurance mutualiste à but non lucratif[1]).

Il faut donc retenir l’applicabilité des dispositions du Code de commerce relatives à la rupture des relations commerciales établies à un CSE dès lors que ce dernier, sans avoir la qualité de commerçant, accomplit des actes de nature commerciale.

 

À rapprocher : Com. 3 avril 2013 n° 12-17.163 ; Article L.442-1 Code de commerce ; Article L.442-4 III Code de commerce ; Article D.442-4 Code de commerce

[1] Com. 6 février 2007 n°03-20.463 ; Com. 25 janvier 2017 n°15-13.013.