Prescription de l'obligation de paiement et revendication de propriété : l'articulation de ces notions rappelée par la Cour de cassation

Prescription de l'obligation de paiement et revendication de propriété : l'articulation de ces notions rappelée par la Cour de cassation

Cass. com., 19 nov. 2025, n°23-12.250

Ce qu'il faut retenir :

Dans cet arrêt, publié au Bulletin, la Cour de cassation est venue rappeler que, si la prescription de la créance du prix de vente libère l’acquéreur de l’obligation de payer, elle n’entraîne pas, à défaut de paiement, le transfert de propriété du bien.

L’action en revendication découlant d’une clause de réserve de propriété n’est pas soumise au délai de prescription relatif aux actions personnelles et mobilières prévu par l’article 2224 du Code civil.

Pour approfondir :

En l’espèce, en 2011, un vendeur a cédé un navire moyennant le paiement de la somme de 8.500.000 euros par l’acquéreur.

Aux termes de l’acte de vente, une clause de réserve de propriété a été stipulée au bénéfice du vendeur, lui accordant « la possibilité d’exercer son droit de réserve de propriété en cas de non-paiement de la totalité du prix. »

Le paiement n’est jamais intervenu, et l’acquéreur a, en 2017, vendu le navire à un tiers.

C’est dans ce contexte qu’en 2018, le vendeur a assigné l’acquéreur ainsi que le tiers aux fins d’invoquer le bénéfice de la clause de réserve de propriété, de rendre inopposable la revente du navire et d’en obtenir la restitution.

Dans un premier temps, le Tribunal de commerce a, par jugement du 2 mars 2020, déclaré l’action du vendeur prescrit.

Le vendeur a interjeté appel.

Dans un arrêt du 6 septembre 2022, la Cour d’appel de Montpellier a suivi le raisonnement du Tribunal de commerce, considérant l’action en revendication prescrite, en ce que la restitution du bien vendu sous réserve de propriété découlerait uniquement de l’inexécution par le débiteur de son obligation de paiement qui empêche le transfert de propriété de s’opérer.

Ainsi, la Cour d’appel de Montpellier a retenu que la réserve de propriété n’était que l’accessoire de la créance dont elle garantit le paiement, et que la demande de restitution du bien est nécessairement soumise à la même prescription que l’action relative à la créance garantie, de sorte que la mise en œuvre de la clause de réserve de propriété est subordonnée au succès de l’action visant à démontrer que l’obligation de paiement n’a pas été remplie.

C’est dans ce contexte que le vendeur s’est pourvu en cassation, soutenant que son action en revendication était fondée sur son droit de propriété et la clause de réserve de propriété convenue, et non sur la créance garantie.

Par sa décision du 19 novembre 2025, publiée au Bulletin, la Cour de cassation a cassé l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Montpellier, estimant que la Cour d’appel avait violé les dispositions des articles 2224 et 2367 du Code civil.

Pour mémoire :

  • l’article 2224 du Code civil prévoit que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer».
  • l’article 2367 du Code civil dispose : « La propriété d'un bien peut être retenue en garantie par l'effet d'une clause de réserve de propriété qui suspend l'effet translatif d'un contrat jusqu'au complet paiement de l'obligation qui en constitue la contrepartie. La propriété ainsi réservée est l'accessoire de la créance dont elle garantit le paiement. »

En effet, la Cour de cassation, aux visas des deux articles susvisés, a jugé que si la prescription de la créance du prix de vente libère l’acquéreur de l’obligation de payer le prix, elle n’entraîne pas, à défaut de paiement, le transfert de la propriété du bien.

L’action en revendication du vendeur bénéficiaire d’une clause de propriété a pour source son droit de propriété sur le bien dont le transfert est soumis à la condition suspensive du paiement du prix, et non la créance personnelle de celui-ci sur le débiteur.

Par cette décision, la Cour de cassation énonce expressément que l’action en revendication d’un bien n’est pas soumise au délai de prescription quinquennale prévu par l’article 2224 du Code civil.

En d’autres termes, la prescription d’une créance ne fait pas obstacle à l’action en revendication fondée sur la réserve de propriété.

À rapprocher :

Un article rédigé par Léna BIRONNEAU du département Distribution, Concurrence, Consommation