Précision sur la péremption d’instance en cause d’appel
Cass, 2e civ, 7 mars 2024, n° 21-23.230
Ce qu’il faut retenir :
Conformément à l’article 386 du Code de procédure civile, « l’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans ». La Cour de cassation, opérant un revirement de jurisprudence notable, juge désormais « qu’une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant la péremption ne court plus à leur encontre, sauf si le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou leur enjoint d’accomplir une diligence particulière ».
Pour approfondir :
En l’espèce, le 28 juin 2018, appel a été interjeté d’un jugement rendu dans une affaire opposant un particulier à une société.
Par une ordonnance en date du 4 mai 2021, le conseiller de la mise en état a constaté la péremption d’instance du fait qu’aucune diligence n’avait été accomplie par les parties depuis les conclusions d’intimé en date du 21 décembre 2018.
Le 2 septembre 2021, la Cour d’appel de Paris a confirmé l’ordonnance déférée, considérant que la péremption était acquise.
C’est dans ce cadre qu’un pourvoi en cassation a été formé.
Par le présent arrêt, la Cour de cassation annule l’arrêt d’appel, opérant à cette occasion un revirement notable de sa jurisprudence antérieure.
Au visa des articles 2, 386, 908, 909, 910-4, 912 du Code de procédure civile et 6 paragraphe 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CESDH), la Haute juridiction affirme en effet que la péremption d’instance ne court plus dès lors que les parties n’ont plus de diligences utiles à effectuer en vue de faire avancer l’affaire puisque la direction de la procédure appartient ensuite au conseiller de la mise en état.
Il en résulte que, désormais, dès lors que le conseiller de la mise en état n’a pas été en mesure de fixer, avant l’expiration du délai de péremption de l’instance, la date de la clôture ainsi que celles des plaidoiries, il ne saurait être imposé aux parties de solliciter la fixation de l’affaire à la seule fin d’interrompre le cours de la péremption.
Tel n’était pas la position antérieure de la Cour de cassation, qui considérait que la péremption d’instance en cause d’appel était encourue lorsque, après avoir respectivement conclu, les parties n’avaient plus effectué de diligence afin de faire avancer la procédure ou d’obtenir du conseiller de la mise en état la fixation de l’affaire (Cass. civ. 2ème, 16 décembre 2016, n°15-27.917).
Elle considérait ainsi qu’il appartenait aux parties de veiller à ce que la péremption ne soit pas acquise, et qu’il leur fallait ainsi, dès lors qu’elles n’avaient plus de diligences à accomplir et que le conseiller de la mise en état n’avait pas prononcé la clôture et fixé l’affaire, solliciter la fixation de la date des débats à la seule fin d’interrompre le cours de la péremption (Cass. civ. 2ème, 8 septembre 2022 n°21-1.970).
Cela conduisait à imposer aux parties une charge procédurale vaine dans la mesure où, parfois, les rôles d’audiences sont complets et empêchent de fixer l’affaire dans un délai inférieur à deux ans.
La nouvelle position adoptée par la Cour de cassation dans le présent arrêt ne peut ainsi qu’être approuvée, puisqu’elle a le mérite de supprimer une ancienne pratique inadaptée à la temporalité actuelle des procédures devant les Cours d’appel.
A rapprocher :
Articles 2, 386, 908, 910-4, 912 du Code de procédure civile ; Article 6 paragraphe 1 de la CESDH ; Cass. civ. 2ème, 16 décembre 2016, n°15-27.917 ; Cass. civ. 2ème, 8 septembre 2022 n°21-1.970
Un article rédigé par Marianne Domingues du département Contrats, affaires complexes