Résolution judiciaire d’un contrat et inexécution fautive du débiteur

Résolution judiciaire d’un contrat et inexécution fautive du débiteur

Cass. com., 18 janvier 2023, n°21-16.812

 

Ce qu’il faut retenir :

Par un arrêt rendu en janvier 2023, la Cour de cassation est venue préciser l’application des dispositions relatives à la résolution judiciaire issues de la réforme du droit des contrats de 2016. Elle précise que la résolution judiciaire peut être mise en jeu, même en l’absence de faute de la part du débiteur.

 

Pour approfondir :

Une société exploitant un établissement d’hôtellerie-restauration a signé en 2020 un contrat avec une société de traiteur, par lequel cette dernière s’engageait à fournir des prestations de restauration durant un salon évènementiel. Ce salon, initialement reporté, a finalement été annulé à la suite des mesures sanitaires prévues pendant la période de pandémie de COVID-19.

La société exploitant l’établissement d’hôtellerie-restauration a mis en demeure son cocontractant de restituer l’acompte versé au titre du contrat, s’élevant à 150.000 euros.

La société traiteur s’est opposée à cette restitution, estimant que le contrat n’était pas résilié. Cette société a donc été assignée par son partenaire commercial devant le Tribunal de commerce. L’arrêt rendu en première instance a été porté devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence.

La cour d’appel a rejeté la demande de résolution du contrat et, en conséquence, la demande de restitution de l’acompte versé.

La cour a considéré que l’annulation du salon évènementiel avait empêché la société traiteur d’exécuter sa prestation, mais n’avait pas empêché son cocontractant de respecter son obligation de verser les sommes contractuellement prévues.

 

Elle a également jugé que, bien que l’inexécution du contrat ait été totale et d’une gravité suffisante, elle ne pouvait être considérée comme fautive et qu’ainsi la résolution ne pouvait être prononcée.

La cour d’appel érigeait donc la faute du débiteur en condition nécessaire à la mise en œuvre de la résolution du contrat.

Un pourvoi en cassation a été formé par la société exploitant l’hôtel. L’arrêt rendu par la Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel, considérant que le contrat pouvait être résolu et que la restitution de l’acompte pouvait intervenir, dès lors qu’il avait été constaté par la cour d’appel que les prestations objet du contrat n’avaient pas été exécutées.

La chambre commerciale de la Cour de cassation estime ainsi que la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté peut solliciter la résolution du contrat, quand bien même cette inexécution n’est pas fautive.

Cet arrêt, publié au bulletin, est intéressant en ce qu’il traite de l’application des dispositions postérieures à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.

En effet, de nombreux pourvois portent encore sur le droit antérieur à la réforme, puisque de nombreux contrats sont encore régis par ces textes.

Plus particulièrement, il s’agit d’une des premières jurisprudences publiées au bulletin qui traite des dispositions relatives à la résolution judiciaire du contrat, telle que régie par le droit issu de la réforme.

Cet arrêt permet de mettre un terme aux hésitations liées à la nécessité ou non de démontrer l’existence d’une faute pour se prévaloir de la résolution du contrat au sens de l’article 1224 nouveau du Code civil.

Sur ce point, la Cour de cassation est très claire : la notion de faute n’a pas à intervenir lorsqu’une partie sollicite la résolution d’un contrat en invoquant l’article 1224.

La faute du débiteur n’est donc pas une condition à la résolution judiciaire d’un contrat.

La Cour de cassation fait ainsi une application du principe prévu à l’article 1227 du Code civil selon lequel la résolution peut, en tout hypothèse, être demandée en justice.

En pratique, cette solution est également intéressante puisque les parties semblent volontairement ne pas s’être placées sur le terrain de la force majeure qui aurait également pu permettre une résolution de plein droit du contrat si elle avait été reconnue. Elles ont en effet centré le litige sur la résolution judiciaire.

Force est de constater que la société exploitant l’hôtel a obtenu un résultat similaire à celui qu’aurait permis la démonstration d’un cas de force majeure (à savoir la résolution du contrat et, de facto, le remboursement de l’acompte versé) tout en s’épargnant d’avoir à démontrer l’existence des conditions liées à la force majeure.

Reste désormais à déterminer si cette position de la chambre commerciale sera partagée notamment par la première chambre civile de la Cour de cassation.

 

Un article rédigé par Auriane Sepval du département Distribution, Concurrence, Consommation