La contestation de l’avis d’inaptitude ne suspend pas l’obligation de reprendre le versement du salaire

La contestation de l’avis d’inaptitude ne suspend pas l’obligation de reprendre le versement du salaire

Ccass soc 10 janvier 2024, n°22-13.464

 

Ce qu’il faut retenir :

La Cour de cassation précise que la contestation de l’avis d’inaptitude par l’employeur ne reporte pas le point de départ de son obligation de reprise du versement du salaire à l’issue du délai d’un mois à compter de la déclaration d’inaptitude, si le salarié n’a été ni reclassé ni licencié. La Chambre sociale indique également que la procédure de contestation d’un avis d’inaptitude garantit le respect du droit à un procès équitable.

 

Pour approfondir :

L’affaire concernait un salarié en arrêt maladie, déclaré inapte à son poste par le médecin du travail le 2 juillet 2020, avec une dispense de reclassement, au motif que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

 

L’employeur avait exercé un recours à l’encontre de cet avis, dans le délai de 15 jours de sa notification, selon la procédure prévue par l’article L.4624-7 du Code du travail permettant au Conseil de Prud'hommes de « confier toute mesure d'instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent pour l'éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence ».

 

Une expertise avait été ordonnée par le Conseil de Prud’hommes et le médecin inspecteur désigné dans ce cadre, avait conclu, le 25 mars 2021, à la validation de l’avis initial.

 

Cependant, l’employeur n’avait pas repris le paiement du salaire durant cette procédure. Le salarié sollicitait donc, de son côté, le paiement des salaires qu’il aurait dû percevoir à l’issue du délai d’un mois suivant sa déclaration d’inaptitude, dès lors qu’il n’avait été ni reclassé ni licencié.

 

L’employeur estimait, quant à lui, que le délai de reprise de paiement du salaire prévu par l’article L.1226-4 du Code du travail ne pouvait courir qu’à compter de l’acquisition d’une décision définitive relative à la constatation de l’inaptitude ou à compter de la décision du juge prud’homal se substituant à l’avis du médecin du travail.

 

Le salarié a obtenu gain de cause auprès du Conseil de Prud’hommes et de la Cour d’appel qui ont confirmé la décision du médecin inspecteur et condamné l’employeur au versement des salaires réclamés par le salarié.

 

La Cour de cassation a confirmé la décision des juges du fond, considérant que « l’exercice du recours prévu à l’article L.4624-7 du Code du travail ne suspend pas le délai d’un mois imparti à l’employeur pour reprendre le versement du salaire tel que prévu à l’article L.1226-4 du même code »

 

Par ailleurs, dans cette même affaire, l’employeur soutenait que le médecin inspecteur du travail étant amené, dans le cadre de ses fonctions, à conseiller les médecins du travail, le fait de lui demander d’expertiser la décision d’un médecin avec lequel il est relation viendrait contredire le droit à un procès équitable garanti par l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

 

La Haute juridiction a rejeté l’argument, considérant au contraire que « le droit à un procès équitable à l’occasion de la mesure d’instruction confiée au médecin du travail est garanti par les textes qui régissent ».

 

Rappelant une jurisprudence de la CEDH (CEDH, 5 juillet 2007, n°31930/04), la Cour de cassation a précisé que si l’article 6 § 1 de la Convention garantit le droit à un procès équitable devant un tribunal indépendant, celui-ci n’exige pas expressément qu’un expert entendu par le tribunal réponde aux mêmes exigences d’indépendance et d’impartialité que les magistrats.

 

La Haute Cour a également rappelé les éléments de la procédure garantissant le droit à un procès équitable, tels que, d’une part, la possibilité pour l’employeur de mandater un médecin pour prendre connaissance des « éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail » prévue par l’article L4624-7 du Code du travail et, d’autre part, le mécanisme de récusation du médecin inspecteur du travail, lorsqu’il a été consulté par le médecin du travail ayant rendu l’avis contesté, prévu par l’article R4624-45-2 du Code du travail.

 

A rapprocher : Article L.4624-7 du Code du travail ; Article L.1226-4 du même code ; Article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

 

Un article rédigé par  Annaël Bashan et Morgane Tarrisse, du département droit Social