C’est un algorithme qui calcule ma note de crédit social en Chine et je ne peux rien y changer
Il y a beaucoup de désinformation qui circule au sujet du crédit social basée sur deux incompréhensions fondamentales sur ce qu'est le système et comment il fonctionne :
- À ce jour, d’une part, il n’existe pas de système de notation national,
- Et, d’autre part, il n’existe pas un seul système de crédit social mais plusieurs systèmes de notation.
Qu’est-ce que le Corporate Social Credit System ?
Ce système de notation est officiellement mis en place depuis 2014 mais il a été lancé depuis la fin des années 90, sur la base d’un rapport du sociologiste Lin Junyue, tout juste revenu des États-Unis où il avait étudié les collectes de données. Lin propose de remédier aux problèmes de transparence et d’intégrité du marché intérieur en créant un système de notation nationale sur le modèle des systèmes occidentaux financiers des entreprises.
Le CSCS se compose de trois composantes interconnectées :
- D’une part, une méga base de données,
- Ensuite, un système de blacklists,
- Et enfin, un mécanisme de sanctions et de récompenses.
Une méga base de données
Afin de réaliser son plan ambitieux de régulation du marché, le gouvernement chinois a besoin de collecter beaucoup de données. Ne nous y trompons pas, le gouvernement chinois collecte déjà toutes ces données, soit parce que les entreprises les transmettent déjà, soit dans l’exercice normal de ses prérogatives ou dans des missions générales d’inspection.
L’enjeu est donc, pour le gouvernement chinois, de centraliser toutes ces données en un lieu unique. C’est l’essence même du système de notation : une énorme base de données de toutes les informations collectées. Cette base de données, contrôlée par le gouvernement, existe déjà et s’appelle le National Credit Information Sharing Platform.
Cette plateforme contient en outre déjà beaucoup d’informations soumises par les gouvernements centraux, de provinces, métropoles, agences étatiques et banques centrales.
Quid des données collectées des entreprises ?
Alors, ça concerne les entreprises chinoises et les entreprises étrangères installées en Chine.
75 % des données sont en open source.
Les types de données collectées vont des informations basiques des entreprises, comme le capital, les branches, les filiales, les mandataires sociaux, les rapports annuels, les taxes, l’historiques des charges sociales, les licences administratives, les pénalités administratives, les dossiers d’inspection, récompenses et distinctions, historique moyens de paiement, et cetera, et cetera.
Comment les données seront utilisées ?
Le gouvernement central offre différents niveaux d'accès à la plateforme à différents acteurs du service public ou du secteur privé qui effectuent différents types d'attribution de note.
Parallèlement, le gouvernement a mis en place deux composantes importantes dans le système à destination des entreprises :
- D’une part depuis 2015, un système de numéro d’identification unique des sociétés à l’échelle national ;
- D’autre part, un site portail dédié : le National Enterprise Credit Information Publicity System qui contient la plupart des données et permet à l’entreprise de mettre à jour ses informations ou télécharger ses rapports annuels.
Le système de notation des entreprises repose sur 4 types de grade dont nous ne connaissons pas à ce jour l’ordre de pondération et d’importance :
- On a le Comprehensive Public Credit Rating avec 4 grades différents qui vont de « excellent » à « pauvre » ;
- On a des grades au niveau opérationnel : grades de A à D délivrés par les agences d’état en fonction de niveau de compliance règlementaire de la société (par exemple, pour les taxpayer on parle de grade A pour ceux qui payent leurs taxes, et cetera, et cetera ;
- Certains secteurs et industriels mettent en place leur propre système de notation ;
- Note financière : en milieu d’année dernière, 130 agences ont été approuvées pour délivrer des notations sur les aspects financiers des entreprises.
Deuxième volet du système : un système de blacklists
Cette partie est la plus complexe du système. D’une part, il n’existe ni d’explication claire et précise du gouvernement sur ce qu’est le système de blacklists et, d’autre part, il existe des centaines de listes différentes utilisées par les autorités pour pénaliser tout type de violations : pollueurs, mauvais payeurs, contenu discriminant en ligne, fraude fiscale, sociale, ...
Les entreprises sont généralement référencées pour ces blacklists pour des raisons différentes :
- Violation de la loi,
- Non-paiement des salaires,
- Activité financière frauduleuse,
- Evasion fiscale,
- Violation règlementaire import-export,
- Mise en danger santé publique et sécurité,
- Et cetera, et cetera.
Ces listes sont extensibles en fonction du secteur d’activité et géographique :
- Consommation excessive d’énergie,
- Pollution environnementale,
- Contrefaçon, IP,
- Et cetera.
La notation sociale de l’entreprise est liée à leur personnel clés et inversement. Les représentants légaux des sociétés pourront être impactés par les mauvaises conduites des sociétés pour lesquels elles sont représentants légaux.
Un autre sujet souvent source de confusion est celui de savoir si une note sociale basse entraine automatiquement un référencement dans une blacklist. En réalité, c’est plutôt l’inverse, le référencement dans une blacklist n’est pas lié à la note mais au contraire : l’inscription sur une blacklist peut directement affecter la note sociale dans le cas où des points sont assignés à cette situation.
Enfin, le régulateur chinois a récemment mis en place des procédures de retrait des blacklists. Le temps de référencement sur ces blacklists dépend de la gravité de la faute commise à l’origine de l’inscription sur la liste : de trois mois à cinq ans, voire de manière permanente dans les cas les plus graves.
Parallèlement, il existe des redlists qui récompensent les bonnes pratiques et les bonnes actions, telles que le maintien des relations de travail harmonieuses, bon payeur, bonne notation financière, et cetera.
Il faut savoir que les blacklists et les redlists sont publiques.
Être blacklisté implique sanctions et restrictions, complications des procédures administratives, contrôles renforcés, et cetera.
Être « redlisté » implique réductions fiscales, procédures administratives simplifiées et accélérées, et cetera.
Tous les ministères et agences gouvernementales ont signé des MOU entre elles acceptant d’honorer les blacklists et les redlists des autres agences : ce qui signifie que chacune s’engage à renseigner la plateforme des noms des personnes ou entreprises blacklistées et à utiliser leurs autorités dans leur domaine pour punir également la personne blacklistée par une autre agence. Ainsi, si vous contrevenez à certaines régulations qui vous amènent à être blacklisté par une institution, alors vous en subirez également les conséquences avec les autres institutions gouvernementales.
Comment s’y préparer ?
Quels que soient vos avis sur ce système, le CSCS est déjà une réalité en Chine et va avoir un impact sur l’environnement des affaires. Il faut donc s’y préparer.
Le plus gros avantage du système est l’objectif originel qu’il poursuit : c’est celui de faciliter les due diligences sur les acteurs du marché et d’assurer une meilleure responsabilité de tous ces acteurs. Le plus gros désavantage est celui lié à la centralisation des sanctions et notamment aux sanctions en chaîne, comme nous venons de l’évoquer.
Quelques conseils :
- Concentrez-vous sur les données transmises et sur la transmission des informations plutôt que sur les notes car toutes les notes sont basées sur les données ;
- Investissez dans des ressources de surveillance ou un système car le système ne prévoit pas de système d’alerte en amont, il sera trop tard lorsque les difficultés apparaitront ;
- Mettez à jour vos données dans le système ;
- Identifiez le système de notation sociale qui s’applique pour vous ;
- Choisissiez bien vos personnes clés et vos fournisseurs ;
- Et essayez de tirer parti du système et d’être inscrit sur les redlists !