Vices cachés et présomption irréfragable de connaissance du vice par le vendeur professionnel

Vices cachés et présomption irréfragable de connaissance du vice par le vendeur professionnel

Cass. com., 5 juill. 2023, n° 22-11.621, B+L

 

Ce qu’il faut retenir :

La présomption irréfragable de connaissance du vice de la chose vendue par le professionnel ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit du vendeur professionnel à un procès équitable.

 

Pour approfondir :

A l’origine de cette affaire, l’acquéreur d’un tracteur a assigné le vendeur en résolution judiciaire de la vente, pour vice caché du moteur du tracteur. Dans un arrêt du 18 novembre 2021, la cour d’appel de Caen avait prononcé la résolution de la vente, condamnant ainsi le vendeur à restituer à l’acquéreur le prix de vente, à reprendre possession du tracteur à ses frais exclusifs, et à payer à l’acquéreur une certaine somme au titre des frais de location du tracteur de remplacement

Au moyen du pourvoi, le vendeur et son assureur ont fait valoir que  la cour d’appel avait porté une atteinte disproportionnée au droit à la preuve du vendeur, en violation de l’article 6 §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, d’une part car la présomption irréfragable de connaissance du vice caché à la charge du vendeur professionnel interdit à ce dernier d’apporter la preuve de sa bonne foi, et d’autre part car l’acquéreur achète le bien pour l’exercice de sa propre activité professionnelle.

La Cour de cassation déclare les moyens infondés et réaffirme avec fermeté le principe de présomption irréfragable de connaissance des vices cachés par le vendeur professionnel, allant ainsi à l’encontre de l’avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux remis au Garde des Sceaux le 11 avril 2023, qui propose l’abandon de cette présomption irréfragable pour une présomption simple.

En matière de vices cachés, l’article 1645 du code civil dispose que si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur.

La Cour de cassation rappelle que, selon une jurisprudence ancienne et constante (Civ. 1ère, 21 novembre 1972, Bull. n°257 ; Civ. 2ème, 30 mars 2000, n°98-15.286 ; Com. 19 mai 2021, n°19-18.230), il résulte de l’article 1645 du code civil une présomption irréfragable de connaissance par le vendeur professionnel du vice de la chose vendue, qui l’oblige à réparer l’intégralité de tous les dommages qui en sont la conséquence, même lorsque l’acheteur est lui-même un professionnel.

Elle précise que le caractère irréfragable de cette présomption, qui est fondée sur le postulat que le vendeur professionnel connaît ou doit connaître les vices de la chose vendue, a pour objet de contraindre celui-ci, qui possède les compétences lui permettant d’apprécier les qualités et les défauts de la chose, à procéder à une vérification minutieuse de celle-ci avant la vente. Elle en déduit que cette présomption répond à l’objectif légitime de protection de l’acheteur qui ne dispose pas de ces mêmes compétences, est nécessaire pour parvenir à cet objectif et ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit du vendeur professionnel au procès équitable garanti par l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

La Cour approuve par conséquent l’arrêt qui a prononcé la restitution du prix et l’indemnisation de tous les dommages pour vices cachés, et confirme ainsi l’impossibilité pour le vendeur professionnel de se défendre sur sa bonne foi et l’absence de connaissance du vice affectant la chose.

 

A rapprocher :

Avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux, Commission présidée par le professeur Philippe Stoffel-Munck, article 1642 (pp. 35/36)

 

Un article rédigé par Lorene Murat du département Concurrence, Distribution, Consommation