La Cour de justice de l’Union européenne apporte des précisions sur la définition du consommateur

La Cour de justice de l’Union européenne apporte des précisions sur la définition du consommateur

CJUE, 9 mars 2023, aff. C-177/22

 

Ce qu’il faut retenir :

La Cour de justice de l’Union européenne rappelle que la notion de consommateur doit prendre en compte la finalité poursuivie par le cocontractant car elle ne s’applique qu’à la personne qui a conclu un contrat en dehors de son activité professionnelle.

Elle précise que les juges peuvent prendre en compte l’impression créée par le cocontractant et tenir compte des éléments intervenus ultérieurement.

 

Pour approfondir :

Dans cette affaire, un contrat de vente de véhicule automobile a été conclu entre un acheteur, personne physique domicilié en Autriche et un vendeur, personne morale de droit allemand.

L’acheteur avait fait intervenir un concessionnaire automobile afin d’effectuer les recherches et de contacter le vendeur. Le vendeur a alors rédigé un contrat mentionnant qu’il s’agissait d’une opération entre professionnels et que l’acheteur était une société. L’acheteur a signé le contrat sans en contester les mentions.

Après avoir constaté que le véhicule était entaché de vices cachés, l’acheteur a demandé la garantie du vendeur devant un juge autrichien, se prévalant de la qualité de consommateur.

A titre de rappel, l’article 17 du Règlement Bruxelles I bis n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, applicable en présence d’un litige transfrontalier entre les Etats membres de l’Union européenne, définit le consommateur comme une personne qui conclut un contrat « pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle ». L’article liminaire du Code de la consommation français reprend ce principe : « toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ».

Dans ce cas d’espèce, le vendeur a contesté la compétence du juge autrichien au profit du juge allemand en soutenant que le contrat de vente constituait une transaction entre professionnels.

Le tribunal de district de Salzbourg (Autriche) a fait droit à cette demande et a estimé que le vendeur était en droit de s’attendre à conclure un contrat entre professionnels car l’acheteur n’a pas contesté le contrat de vente et a fait intervenir un concessionnaire automobile.

L’acheteur a contesté cette ordonnance et saisi le tribunal régional de Salzbourg qui a décidé de surseoir à statuer et de poser plusieurs questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après la « Cour »).

 

Dans un premier temps, la Cour indique que pour déterminer si une personne peut être qualifiée de consommateur, il convient de « tenir compte des finalités actuelles ou futures poursuivies par la conclusion [du] contrat, indépendamment de la nature salariée ou indépendante de l’activité exercée par cette personne ».

Dans un arrêt du 14 février 2019, la Cour de justice de l’Union européenne avait déjà reconnu qu’une personne ne pouvait être considérée comme consommateur que lorsqu’elle conclut « [un contrat] en dehors et indépendamment de toute activité ou finalité d’ordre professionnel, dans l’unique but de satisfaire [à ses] propres besoins de consommation privée » (CJUE 14 février 2019, aff. C-630/17).

Dans son arrêt du 9 mars 2023, la Cour apporte une précision importante, à savoir que la nature de l’activité professionnelle exercée par la personne qui se prévaut de la qualité de consommateur (indépendante ou salariée) n’est pas prise en compte dans la détermination du statut.

Ainsi, la notion de consommateur doit être interprétée de manière restrictive et ne s’applique qu’à la personne qui a conclu un contrat en dehors de son activité professionnelle et, en présence d’un contrat à double finalité, si l’usage professionnel qu’en fait la personne est négligeable par rapport à l’opération prise dans sa globalité.

 

Dans un second temps, la Cour relève que pour déterminer si une personne peut être qualifiée de consommateur, il peut être intéressant de « vérifier si le prétendu consommateur aurait en réalité, par son propre comportement à l’égard de son cocontractant, donné l’impression à ce dernier qu’il agissait à des fins professionnelles, de sorte que le cocontractant pouvait légitimement ignorer la finalité extraprofessionnelle de l’opération en cause ». La Cour précise que cet examen peut se fonder sur des éléments intervenus ultérieurement.

En l’espèce, l’acheteur n’a pas réagi aux stipulations du contrat la désignant en tant qu’entrepreneur, un concessionnaire automobile est intervenu lors des négociations au profit de l’acheteur et a interrogé le vendeur sur la possibilité de mentionner la taxe sur la valeur ajoutée sur la facture et l’acheteur a réalisé un bénéfice en revendant la voiture achetée peu de temps après la signature du contrat.

La Cour ne tranche pas la question de savoir si l’acheteur est un consommateur mais indique au juge autrichien que l’absence de réaction de l’acheteur à la stipulation du contrat le désignant comme entrepreneur et la revente du bien ne sont pas des éléments déterminants à eux seuls et qu’il peut être pertinent de tenir compte de la réglementation allemande relative à la taxe sur la valeur ajoutée ainsi que de la bonne foi de l’autre partie.

La Cour rappelle par ailleurs qu’une personne peut être considérée comme avoir renoncé à la protection prévue par le statut de consommateur s’il a fait naître chez son cocontractant l’impression qu’il agissait à des fins professionnelles (CJUE 20 janvier 2005, aff. C-464/01).

En résumé, l’arrêt du 9 mars 2023 reprend la jurisprudence antérieure mais précise que le juge doit établir, en prenant en compte toutes les informations dont il dispose, y compris des éléments intervenus ultérieurement et également de la bonne foi de l’autre partie, si le cocontractant a donné à l’autre partie l’impression d’avoir agi à des fins professionnelles.

 

A rapprocher :

 

Un article rédigé par Anne Qin du département Distribution, Concurrence, Consommation