L’inapplicabilité de l’article 1165 du code civil aux missions d’expert-comptable

  • 23/10/2023 |

L’inapplicabilité de l’article 1165 du code civil aux missions d’expert-comptable

Cass. com., 20 sept. 2023, n° 21-25.386

 

Ce qu’il faut retenir :

Les dispositions de l’article 1165 du code civil ne sont, conformément à l’article 1105 alinéa 3 du même code, pas applicables à une prestation de service fournie par un expert-comptable.

 

Pour approfondir :

La Cour de cassation a rendu une décision sur le nouvel article 1165 du code civil, introduit par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et modifié par la loi de ratification n° 2018-287 du 20 avril 2018, portant sur la fixation unilatérale du prix dans les contrats de prestation de service.

 

En l’espèce, une société d’experts-comptables avait assigné l’un de ses clients en paiement de prestations de tenue de comptabilité. Le Tribunal de commerce, statuant en dernier ressort, avait partiellement rejeté sa demande au motif qu’elle ne produisait ni tarif horaire ni feuille de temps passé sur ces travaux qui justifierait le quantum de sa facturation.

 

La société d’experts-comptables se pourvoit en cassation, considérant que le Tribunal de commerce a violé l’article 1165 du code civil, lequel dispose que dans les contrats de prestation de service, à défaut d’accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d’en motiver le montant en cas de contestation.

 

La Cour de cassation rejette ce moyen. En effet, l’article 1105, alinéa 3, du code civil précise que les règles générales relatives à la formation, à l’interprétation et aux effets des contrats s’appliquent sous réserve des règles particulières propres à certains contrats.

 

Or, les contrats conclus avec des experts-comptables sont soumis à de telles règles : l’article 151, alinéa 1er, du décret n° 2012-432 du 30 mars 2012, relatif à l’exercice de l’activité d’expertise comptable, dispose qu’une lettre de mission spécifique doit préciser les droits et obligations de chacune des parties, ainsi que les conditions financières de la prestation

 

Comme l’énonce la Cour de cassation, l’existence d’une règle particulière ne peut avoir que pour conséquence d’écarter les dispositions de l’article 1165 du code civil. La loi spéciale déroge à la loi générale.

 

La Cour accueille en revanche la seconde branche du moyen soulevé par la société d’experts comptables, au visa de l’article 4 du code civil et de l’article 24 de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945.

 

En effet selon ces textes, le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l’insuffisance des preuves qui lui sont fournies, et les honoraires de l’expert-comptable doivent constituer la juste rémunération du travail fourni comme du service rendu.

 

Dès lors que les prestations avaient été réalisées et que les honoraires étaient fondés en leur principe, il appartenait donc au juge d’évaluer le montant des honoraires dus à la société d’experts comptables.

 

Il fallait bien que l’expert-comptable se fasse payer ! Finalement, c’est une occasion manquée d’obtenir de la Haute Juridiction des précisions sur le pouvoir du juge dans la révision et la modification judiciaire du prix dans les contrats de prestation de service.

 

Un article rédigé par Lorene Murat-Henri du département Concurrence, Distribution, Consommation